logo

À Libreville, Fabius et Kagame tentent de briser la glace

En pleine crise diplomatique, le président rwandais et le ministre français des Affaires étrangères se sont rencontrés vendredi pour renouer les relations entre les deux pays. Kigali reproche à Paris son implication dans le génocide de 1994.

Serait-ce un signe d’apaisement entre Paris et Kigali ? Le président rwandais Paul Kagame et le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius se sont serrés la main, Vendredi 23 mai, à l’issue d'une séance de travail, à Libreville. Cette rencontre intervient après la crise qui a éclaté lors des commémorations du 20e anniversaire du génocide rwandais en avril dernier.  

"Nous avons fait le point sur la situation", a déclaré à des journalistes Laurent Fabius à l'issue de la rencontre, la qualifiant d'"utile". "Il est souhaité de part et d'autre (...) de revenir à une relation apaisée", a assuré le ministre français, ajoutant qu'il fallait "donc trouver les voies et moyens" d'y parvenir. Le président Kagame ne s’est, lui, pas exprimé sur la teneur de l'entretien.
L’échange a eu lieu en marge du 3e New York forum Africa, manifestation rassemblant plusieurs centaines de personnalités issues des milieux économiques, universitaires et artistiques sur le thème de l'avenir du continent africain.
Le 7 avril, lors des commémorations du génocide de 1994 qui a fait 800 000 morts, Paul Kagame s'en était pris de façon à peine voilée à la France, accusée de refuser de reconnaître sa responsabilité dans les massacres. Aucun représentant officiel de Paris n'avait participé aux commémorations.
La France accusée de "complicité" depuis 20 ans
Au cœur du contentieux franco-rwandais figure le soutien de Paris et de son armée au régime hutu rwandais, coupable du génocide. De 1990 à 1993, les soldats français sont intervenus pour aider l'armée rwandaise à lutter contre la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) aujourd'hui au pouvoir au Rwanda. Puis le 22 juin, la France avait lancé seule l'opération Turquoise sous mandat de l'ONU, avec pour objectif affirmé de protéger les populations civiles des massacres en cours dans le pays.
Pour Kigali, cette mission a permis de protéger les responsables du régime génocidaire dans leur fuite vers le Zaïre (devenu depuis la République démocratique du Congo, RDC). D’où les accusations depuis 20 ans de "complicité" de génocide pour avoir formé et armé les forces rwandaises.
Kigali reproche aussi régulièrement à Paris sa mansuétude supposée à l'égard de présumés génocidaires réfugiés en France et les enquêtes judiciaires mettant en cause le rôle de Paul Kagame dans l'attentat ayant coûté la vie au président au président Juvénal Habyarimana, qui fut le déclencheur du génocide.
Les gouvernements français ont toujours récusé les accusations rwandaises, notamment celles visant le rôle de l'armée française au Rwanda.
Vers un deuxième procès parisien ?
Par ailleurs, un deuxième procès parisien sur le génocide rwandais pourrait se tenir rapidement, a-t-on appris vendredi, le parquet ayant requis le renvoi aux assises d'Octavien Ngenzi et de Tito Barahira pour génocide et crimes contre l'humanité.
Mis en cause par de nombreux témoins, ces derniers sont accusés d'avoir participé au massacre "dans des conditions effroyables" de centaines de Tutsi réfugiés dans une église de la commune de Kabarondo dans l'est du Rwanda, le 13 avril 1994, selon une source judiciaire.
Les juges d'instruction doivent désormais se prononcer sur la mise en accusation des deux hommes, incarcérés, qui se disent innocents. Ce pourrait être le deuxième procès en France sur le génocide rwandais après celui de Pascal Simbikangwa, qui a fait appel de sa condamnation en mars à 25 ans de réclusion criminelle.
Avec AFP