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Le "plaider coupable" du Credit Suisse, le début d'une longue série ?

La banque Credit Suisse a accepté de payer une amende record pour incitation à la fraude fiscale aux États-Unis. BNP Paribas, également sous le coup d'une enquête, fait figure de prochain candidat au "plaider coupable".

Double victoire pour le département américain de la Justice. Credit Suisse est devenue, lundi 19 mai, la première banque, depuis 1989, à plaider coupable d’activité criminelle et a accepté de payer une amende record de plus de 2,5 milliards de dollars (1,89 milliard d’euros) dans une affaire d’aide à l’évasion fiscale de riches américains.

L’institution financière helvète a “activement aidé ses clients à mentir aux services fiscaux américains en cachant des avoirs et des revenus dans des comptes en banques illégaux et non déclarés”, a expliqué le procureur général américain Éric Holder. L’acte d’accusation souligne que les activités illégales de Credit Suisse sur le sol américain remontent à plusieurs décennies et ont continué, au moins, jusqu’en 2009.

Pour le département de la Justice américain, le “plaider coupable” obtenu est un événement “historique”. Il souligne qu’”aucune institution financière n’est au-dessus des lois, quelle que soit sa taille”, a affirmé Éric Holder.

Au tour de BNP Paribas ?

C’est, certainement, un tournant majeur dans la détermination des autorités américaines à s’en prendre aux grands fauves de Wall Street. Depuis des années, le bureau du procureur général des États-Unis était soupçonné de ne pas être suffisamment sévère envers les géants de la finance. En 2002, les autorités judiciaires avaient été frappées par la débâcle du cabinet d’audit Arthur Andersen. Reconnu coupable d’obstruction à la justice dans l’affaire Enron, le groupe avait vu ses clients partir les uns après les autres, ce qui l’avait poussé à se séparer de 20 000 collaborateurs. Un dommage collatéral qui aurait, d’après le “Financial Times”, pousser les autorités à se montrer pendant longtemps réticentes à s’en prendre trop violement au monde de la finance.

Cette époque semble révolue. “L’accord avec le Credit Suisse prouve concrètement que les États-Unis sont prêts à solder les comptes des mauvaises pratiques des banques et autres institutions financières”, analyse Pascal de Lima, économiste en chef au cabinet EcoCell. Pour cet expert du système bancaire, le cas Credit Suisse va servir de modèle aux prochaines affaires.

Dorénavant, c’est la banque française BNP Paribas qui fait figure de principal candidat au prochain “plaider coupable” aux États-Unis. Accusée par les autorités américaines d’avoir illégalement fait des affaires avec des pays comme l’Iran, le Soudan ou encore Cuba, elle devrait suivre l’exemple du Credit Suisse dans les deux prochaines semaines, d’après le “New York Times”. Elle risque de devoir payer une coquette amende de 3,5 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros).

Et les banques américaines ?

Paradoxalement, le “plaider coupable” du Credit Suisse n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour la banque française. Aux termes de l’accord, la banque helvète devrait continuer à pouvoir continuer à exercer ses activités aux États-Unis malgré sa reconnaissance de culpabilité. En d’autres termes, payer une amende et reconnaître ses torts seraient, d’après Pascal de Lima, un moindre mal. “En cas de refus, les banques se retrouveraient avec des poursuites judiciaires en cascade, des audits de plus en plus pointus et pourraient se voir révoquer leur licence bancaire aux États-Unis”, analyse l’économiste.

Reste un gros point d’interrogation. Quid des banques américaines ? Avec Credit Suisse et, probablement, BNP Paribas, le département américain de la Justice s’est concentré sur des entités étrangères. Aucune banque américaine, comme JP Morgan dans le dossier des prêts immobiliers à risques (les subprimes), n’a été forcée à plaider coupable. D’où l’impression que la détermination retrouvée du bureau du procureur général est à géographie variable. Une critique qu’Éric Holder a réfuté lors de sa conférence de presse, lundi 19 mai. Il a promis que “les institutions financières ne seraient pas traitées différemment en raison de leur nationalité”.