![Les rockeurs ukrainiens VV à Paris : "La télé russe ment plus que sous l'URSS" Les rockeurs ukrainiens VV à Paris : "La télé russe ment plus que sous l'URSS"](/data/posts/2022/07/19/1658219497_Les-rockeurs-ukrainiens-VV-a-Paris-La-tele-russe-ment-plus-que-sous-l-URSS.jpg)
VV, le plus célèbre des groupes de rock ukrainiens, était sur scène mercredi soir à Paris, à l’invitation des rockeurs du groupe français Les VRP. Un geste d’amitié et de solidarité en temps de crise et de doutes.
En ce mercredi 14 mai, sur la terrasse de la Bellevilloise, salle de concert branchée de l’est parisien, Philippe Moja, guitariste et sonorisateur du groupe de rock français Les VRP, se souvient d’une tournée en 1994 en compagnie des VV, les Vopli Vidopliassova (les hurlements de Vidopliassov en ukrainien).
"Les VV, c’était le premier groupe de rock ukrainien. Il remplissait des stades, comme le faisait la Mano Negra en France à la même époque. Ils avaient même partagé l’affiche dans un festival ukrainien avec Samantha Fox. Mais eux c’était du Led Zep". L’Ukraine post-soviétique vivait alors un chaos que les ukrainiens considéraient comme la normalité. Dans certains festivals rock, les policiers coupaient les cheveux des jeunes qu’ils arrêtaient.
Sous le signe de Maïdan
Oleksandr Pipa, dit Shurik, s’avance avec des béquilles. Le bassiste des VV porte de vilaines cicatrices aux jambes récoltées au mois de février sur la place Maïdan, à Kiev, le cœur battant de la révolution ukrainienne. "Ma blessure me donne le droit de dire que je crois en la paix". Le ton est donné.
Grenade, coups de matraque, il ne sait plus exactement ce qui lui est arrivé. Mais trois mois plus tard, les séquelles n’ont pas disparu. Maïdan était "pacifique, on venait chanter, prier et formuler nos exigences de démocratie", raconte-t-il. "Shurik" se dit anarchiste depuis toujours, mais ajoute que face aux agressions et aux morts, il n’y plus d’autre choix que de "résister avec les armes, notre gouvernement ne peut pas rester pacifiste, c’est impossible".
À la question de savoir si l’Ukraine est désormais plongée dans une guerre civile, "Shurik" perd son sourire narquois et affirme qu’on ne peut pas parler de conflit intérieur. "Il s’agit d’une agression militaire d’un voisin hostile, qui voudrait faire passer cette révolte pour un conflit entre Ukrainiens".
Entre optimisme et amertume
Son compère, Oleg Skrypka, estime lui que "les Russes vont contrôler une partie du territoire ukrainien pendant deux ans, le temps pour nous de construire une démocratie, mais dans cinq ans nous serons dans l’Europe".
Un scénario résolument optimiste que les évènements des derniers mois semblent plutôt contredire. L’Ukraine a perdu la Crimée, annexée sans un coup de feu par la Russie de Vladimir Poutine il y a à peine deux mois. À cette évocation, les deux musiciens de VV se regardent : "On n'a jamais joué en Crimée", dit l’un. L’autre approuve de la tête et lâche : "Nous, nous chantons en ukrainien, on ne s’est jamais produit dans l’Est (de l’Ukraine, NDLR). Aujourd’hui, on tue dans l’Est pour le simple fait de parler ukrainien". Avant d’ajouter dans un éclat de rire, "Mais les guerres se terminent toujours, et ce sont les babas cool qui vont gagner, j’en suis sûr".
Les VV sont d’un optimisme inébranlable... parce qu’il le faut bien. Impossible pour eux d’imaginer une partition de l’Ukraine, voire d’adopter le fédéralisme réclamé par Moscou. "C’est une solution russe, nous n’en avons pas besoin", lâchent-ils.
Cigarettes, verres de thé, la discussion se poursuit sous le frais soleil parisien. Et peu à peu l’amertume pointe. "On nous a traités de fascistes, mais ça n’a aucun sens. Le caractère ukrainien, c’est le bordélisme, l’anarchie, parce que nous avons subi une dictature totalitaire imposée par notre voisin pendant des années". Même leurs copains rockeurs russes de l’époque soviétique "avec qui on a bu des citernes de vodka nous traitent de fascistes". "La télé russe ment plus que sous l’ère communiste. Elle déforme les traductions des déclarations des dirigeants occidentaux. C’est un niveau de mensonge hallucinant".
L’élection présidentielle n’est pas décisive
Oleg trouve pourtant matière à espérer. Il estime que la crise en Ukraine "va amener la démocratie en Russie", que "les intellectuels et les artistes russes contesteront un jour le régime de Poutine".
Quand aux élections du 25 mai, Oleg et Oleksandr sont formels : on ne peut pas faire confiance aux politiciens. "La démocratie, c’est barrer les routes au plus horrible finalement, mais c’est à nous de construire la société que nous voulons".
C’est peut être ce message qu’ils sont venus distiller à Paris. "Nous avons organisé ce concert de la même manière que s’est organisé Maïdan : en ne comptant que sur nous- même et sur nos amis". Et Oleg Skripka de conclure : "Les citoyens au temps de l’URSS ne pouvait pas prendre de responsabilités. Maintenant nous savons que nous pouvons changer le monde".