La province du Guangdong, située dans le sud-est de la Chine, a connu une grève massive en avril dernier. Les ouvriers font de plus en plus entendre leurs droits et les mouvements sociaux sont en augmentation depuis le début de l'année. Reportage.
On appelle la région de Guangdong, située dans le sud-est de la Chine, "l’atelier du monde" tant elle regorge d’usines de confections de multinationales. L'une d'entre elles, la fabrique de chaussures Yu Yuen, qui produit chaque année 300 millions de paires de chaussures pour les plus grandes marques (Puma, Nike, Adidas, New Balance ou Converse), a connu une grève inédite en avril dernier.
Au total, entre 30 000 et 40 000 salariés ont choisi de se mettre en grève sur les quelque 45 000 employés de l’entreprise. Durant quinze jours, les milliers d’ouvriers ont protesté pour réclamer le versement de plusieurs prestations sociales, comme la retraite ou l'assurance santé. "On réclamait juste ce qui est stipulé dans notre contrat", a expliqué sur FRANCE 24 l’un d’entre eux.
Craignant que la grogne ne se propage à d'autres entreprises, le gouvernement a réussi à contenir les protestataires en multipliant les arrestations. Sous la pression des autorités, les salariés ont rapidement repris le chemin de l’usine, le 28 avril. Sans être convaincus qu’ils obtiendront gain de cause. "On n’est pas satisfait, mais on n'a pas le choix, commente un ouvrier. Qu'on soit content ou pas, c'est comme ça, on doit retourner au travail".
S'informer sur les droits du travail
Depuis le début de l'année, les grèves sont en forte augmentation dans cette région, affirment plusieurs associations de défense des travailleurs. Parmi elles, l'ONG Xiaoxiaocao Advisory Center qui constate que de plus en plus de jeunes salariés viennent s’informer sur leurs droits du travail et glaner quelques conseils."Je me dis que si je connais bien mes droits et que je vois que l'usine ne les respecte pas, je peux les traîner devant les tribunaux", indique un salarié.
Les jeunes ouvriers veulent se défendre à tout prix, "même par la grève s'il le faut", explique Su Yuan, responsable de l’ONG Xiaoxiaocao Advisory center. "C'est parce qu'ils ont reçu une meilleure éducation que leurs parents et qu'ils connaissent mieux la loi". La situation économique joue aussi : "ils peuvent quitter leur poste et retrouver un emploi très facilement", ajoute Su Yuan.
Avec un taux de chômage officiel inférieur à 3% dans la région, l'un des taux les plus bas du pays, les salariés du Guangdong sont en position de force face à l’employeur. Ils ont donc appris à s'organiser pour faire respecter leurs droits.
Hausse des salaires intenables pour les entreprises
Mais tout n'est pas gagné pour autant. Pékin n'autorise qu'un seul syndicat affilié au Parti communiste. Et les associations comme celle de Su Yuan ne survivent souvent que grâce aux financements de fondations basées à Hong Kong. "On doit fréquemment déménager à cause des pressions exercées sur nos propriétaires par les gouvernements locaux, précise Su Yuan. Et puis, on ne peut pas se faire enregistrer comme une ONG classique au même titre qu'une organisation culturelle ou environnementale car on défend le droit des ouvriers, et c'est beaucoup plus sensible comme sujet."
Face à ces revendications salariales, les patrons aussi commencent à réagir. Dans le secteur du textile où le prix de la main d'œuvre est primordial, la hausse des salaires de 30% en trois ans est intenable pour des directeurs d'atelier. "Ces derniers temps, ça devient difficile de recruter des ouvriers, estime Chen Sheng, directeur de la société de textile Ryling Dragon. Ils demandent de plus en plus à vérifier les contrats et s'il y a bien une assurance sociale complète. Le salaire et les coûts de production ont augmenté, du coup certains patrons comme moi pensent à délocaliser, à partir vers le Vietnam ou le Cambodge."