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Le Phacokit, la solution low-cost contre la cataracte

Pour vaincre la cataracte, principale cause de cécité, notamment dans les pays pauvres, des médecins français ont mis au point un kit chirurgical qui permet d’opérer en 10 min, pour seulement 25 euros. Bill Gates s'est associé à cette découverte.

Retirer une cataracte, maladie qui affecte l’œil, dans un hôpital de fortune est désormais possible, grâce au Phacokit, une invention 100 % française. Composé d’un sarrau (vêtement du chirurgien), d’un écarteur, d’une pince, d’un crochet, d’une canule de Simcoe (permettant d’aspirer), de deux couteaux, d’une aiguille ainsi que d’une seringue, ce nécessaire chirurgical est utilisé lors d’opérations dans des camps de réfugiés ou lors de campagnes d’intervention en milieux ruraux, en Afrique. L’emballage même du kit fait office de champs de table d’opération, une fois déplié. "On a démontré que le low-cost peut être de qualité, à condition de maîtriser la technique", explique le professeur Ridings, chef du service ophtalmologie de la Timone, à Marseille, contacté par FRANCE 24.

La technique en question c’est celle de la phaco-alternative, ou phaco A, un procédé qui consiste à retirer la cataracte sans points de suture. Si cette méthode n’est pas nouvelle, le professeur Ridings affirme vouloir lui "redonner ses lettres de noblesse". Lui et le docteur Jean-Marie André, qui l’utilisent depuis 1998, ont bénéficié de l’expertise d’une équipe népalaise sur le sujet. "Le Dr André s’est rendu plusieurs fois à Katmandou", explique le Pr Ridings. Mais la vraie innovation, c’est le kit. Depuis cette invention, en 2006, entre 10 et 15 000 personnes ont été guéries, assure-t-il.

"En Afrique, l’espérance de vie d’un aveugle est de trois ans"

Ce nécessaire chirurgical bon marché est né d’un double constat : la cataracte, première cause de cécité dans le monde, a des conséquences tragiques dans les pays en voie développement. "En Afrique, l’espérance de vie d’un aveugle est de trois ans, constate le professeur Ridings. Une fois privée de la vue, une personne se trouve peu à peu mise à l’écart de la société. Comment pouvez-vous vous nourrir lorsque plus personne ne s’occupe de vous ?".

"C'est à la fois un énorme problème économique et sanitaire puisque 22 millions de personnes dans le monde sont touchées", explique le docteur Jean-Marie André, dans les colonnes du journal "La Provence". De plus 80 % des victimes de cette maladie se concentrent dans les pays pauvres de la planète, selon l’Organisation pour la prévention de la cécité (OPC).

Deuxièmement, le Phacokit répond à des problèmes de stérilité dans ces pays, où les conditions d’opérations peuvent varier sensiblement. Grâce à son usage unique et son caractère jetable, cet outil empêche la propagation des contaminations par le sang. Toutefois, afin d’éviter que des médecins peu regardants ne réutilisent le matériel, chaque kit dispose d’un système de traçabilité. "On exige que chaque kit soit restitué après usage. Alors seulement, nous en envoyons de nouveaux", détaille le Pr Ridings.

"Quand la fondation de Bill Gates nous a appelés, on a cru à un canular"

Initialement cantonnée à l’Afrique de l’Ouest, l’aventure des docteurs André et Ridings prend, depuis mai 2013, une dimension mondiale. "On a reçu le coup de fil d’une représentante de la fondation Bill Gates. Au début, on a cru à un canular, nous ne l’avions pas du tout démarchée", explique modestement le Pr Ridings, précisant bénéficier jusqu'alors du soutien logistique de l'ONG marseillaise "Voir la Vie".

Depuis quelques années, le fondateur de Microsoft s’est en effet lancé un nouveau défi, par le biais de sa fondation HelpMeSee ("aidez-moi à voir") : venir à bout de cette maladie, caractérisée par l’opacification progressive du cristallin. Pour ce faire, l’une de ses conseillères lui aurait soufflé : "Si vous voulez éradiquer la cataracte, il faut vous rapprocher de deux Marseillais".

Bill Gates s’est ainsi engagé auprès des chirurgiens français à financer 150 simulateurs. Ces machines, qui représentent un coût unitaire de 500 000 euros, seront destinées à former massivement des chirurgiens capables d’opérer avec des Phacokits, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.

"C’est une reconnaissance, une satisfaction", exulte le professeur, qui dispose seulement pour l’instant d’un centre de formation à Dakar, au Sénégal. "Grâce à Bill Gates, notre projet prend une autre dimension."