Deux jours après la fusillade meurtrière qui a provoqué la mort de plusieurs personnes à Sloviansk, dans l’est de l’Ukraine, les circonstances des heurts restent floues et les tentatives de récupération de l’événement attisent le Web.
En l’espace de quelques heures, une carte de visite rouge et noire est devenue la risée de tout le Web ukrainien. Ce morceau de papier avait été exhibé, dimanche, par Viatcheslav Ponomarev. Le maire autoproclamé de la ville de Sloviansk souhaitait ainsi prouver, devant les caméras de la presse internationale, l’implication des groupes d’extrême droite dans la fusillade survenue dans la nuit de samedi 19 à dimanche 20 avril.
Selon le responsable pro-russe, cette carte de visite était celle de Dmytro Iaroch, leader du groupe paramilitaire Pravy Sektor (Secteur Droit), qui a soutenu la contestation pro-européenne mais constitue une bête noire pour nombre de russophones de l'Est.
Les autorités ukrainiennes "enfreignent grossièrement" l'accord de Genève, qui prévoit notamment le désarmement des groupes armés illégaux et l'évacuation des bâtiments occupés dans les villes ukrainiennes, a estimé lundi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
"Non seulement, l'accord de Genève n'est pas respecté mais des mesures sont prises, notamment par ceux qui se sont emparés du pouvoir à Kiev, qui l'enfreignent grossièrement", a martelé le chef de la diplomatie russe lors d'une conférence de presse.
Elle aurait été retrouvée dimanche dans une voiture brûlée, près des lieux de la fusillade qui a fait au moins deux morts dimanche matin en périphérie de cette ville devenue la place forte des séparatistes.
Les nationalistes ukrainiens d'extrême droite de Secteur Droit ont démenti, dimanche, toute implication dans cette attaque et ont accusé les forces spéciales russes. "C'est une provocation blasphématoire de la Russie, blasphématoire parce qu'elle a eu lieu pendant une nuit sacrée pour les chrétiens, la nuit de Pâques", a déclaré à Reuters Artem Skoropadski, porte-parole du Praviy Sektor. "Elle a été manifestement perpétrée par les forces spéciales russes", a-t-il ajouté.
Déchaînement sur Twitter
Sur la toile, les internautes ukrainiens pro-occidentaux, qui ont fait des réseaux sociaux l'une de leurs principales armes lors de leur contestation, se sont déchaînés contre ce qu'ils ont présenté comme un procédé grossier de propagande.
Sur Twitter, le mot clé "Carte de visite de Iaroch" est devenu dimanche après-midi un "trending topic", c'est-à-dire dans le jargon du réseau social un des sujets les plus partagés en Ukraine.
Parmi les messages les plus populaires figurent notamment des montages de photos officielles ou de peintures célèbres : Staline, Roosevelt et Churchill tenant chacun une de ces cartes lors de la conférence de Yalta en 1945, Angela Merkel montrant du doigt une carte dépassant de la poche de la veste de Vladimir Poutine lors d'une conférence de presse commune, ou encore Dieu tendant à Adam le papier rouge et noir dans "La création d'Adam", peinte par Michel Ange sur la voûte de la Chapelle Sixtine au Vatican.
CNN contacte le Dmytro Iaroch de la carte
Pour sa part, la télévision américaine CNN a appelé le numéro indiqué sur la carte. Ses journalistes sont tombés sur une femme incrédule qui a affirmé n'avoir aucun rapport avec Pravy Sektor.
Interrogé par l'AFP, le mouvement paramilitaire a dénoncé "une propagande pire que celle de l'Allemagne nazie". "Comme si les militants de Pravy Sektor portaient sur eux des cartes de visite de Iaroch", a tempêté un porte-parole, Artem Skoropadski.
Reste que si les méthodes des insurgés pro-russes ont suscité les moqueries de la toile, les circonstances de la fusillade de ce week-end restent extrêmement floues.
Dans un article publié dimanche, le journal "Le Monde" rapporte que les miliciens pro-russes, qui accusent l'extrême-droite ukrainienne, ont interdit aux journalistes d'entrer à la morgue et à l'hôpital. Ils se sont simplement vus autoriser l'accès aux carcasses calcinées de deux véhicules.
L’article du quotidien du soir évoque plusieurs pistes, qui balaient le spectre des possibles, de l’assaut mené par des pro-Ukrainiens d’extrême droite jusqu’à la mise en scène complète destinée à fournir à la Russie un nouvel élément pour justifier un déploiement de troupes.
Une opération de "maintien de la paix" qu’a déjà vertement appelée de ses vœux le maire autoproclamé de Sloviansk, Viatcheslav Ponomarev.
Avec AFP
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