Dans une synthèse accablante diffusée lundi, Amnesty International pointe du doigt les nombreuses violations des droits de l'Homme en Algérie, notamment en matière de liberté d'expression, à l'approche de l'élection présidentielle.
Amnesty International dresse un bilan accablant du respect des droits de l’Homme en Algérie. Dans une synthèse publiée lundi 14 avril, l’organisation internationale accuse le pouvoir d'avoir notamment fait taire les voix critiques et limité la liberté d'expression à l'approche de l'élection présidentielle, prévue jeudi.
"Avec l'élection à venir, les autorités algériennes ont accru la répression et montré qu'elles ne toléraient la critique publique à aucun niveau", a affirmé dans un communiqué Nicola Duckworth, directrice générale chargée des recherches à Amnesty.
Liberté de la presse bafouée
Selon l’ONG, "les autorités continuent de prendre pour cible les Algériens, notamment les journalistes, qui s'écartent du discours officiel pro-Bouteflika". Pour étayer son propos, l’organisation donne l’exemple de l'épouse d'un journaliste qui a couvert des manifestations de l'opposition et a "été attaquée par trois individus en civil, vraisemblablement des membres des forces de sécurité". "Ils lui auraient demandé sous la menace des armes que son époux cesse de critiquer les autorités sur Facebook, avant de jeter sur elle de l'eau chaude", a affirmé l'organisation, sans citer de nom.
Amnesty fait également référence à la fermeture, le mois dernier, d'une chaîne privée de télévision, Al-Atlas TV, perquisitionnée par les forces de sécurité après avoir critiqué les autorités dans ses émissions. "Attaquer une chaîne privée de télévision simplement parce qu'elle a osé diffuser un point de vue différent est une attaque répréhensible contre la liberté d'expression", souligne Nicola Duckworth.
Lundi, le quotidien Algérie News a également fait les frais de censure pratiquée par le pouvoir algérien. Le journal a été privé de la publicité des administrations et des entreprises publiques en représailles à son opposition à un 4e mandat du président.
Des pratiques qui, selon, Amnesty International, "jettent le doute" sur le scrutin de jeudi.
Des syndicats harcelés, des associations empêchées
La liberté d’expression, d’association et d’assemblée n’est pas davantage respectée. Évoquant "les troubles économiques et sociaux alimentés par la corruption, l'augmentation du coût de la vie, un taux de chômage important et le manque d'accès au logement", l'organisation indique que les autorités ont "répondu aux protestations en les dispersant par la force, en harcelant et en arrêtant des manifestants et militants syndicalistes".
"Les syndicats indépendants sont harcelés, sur fond de tensions sociales et de manifestations contre le chômage. Le droit ne protège pas les femmes contre les violences liées au genre, ni les suspects contre la torture. Rien n’est fait pour lutter contre l’impunité généralisée", peut-on lire plus bas dans la syntèse.
Amnesty international souligne, en outre, qu’"un certain nombre d’associations ayant critiqué la politique du gouvernement, notamment celles œuvrant contre la corruption et les violences sexuelles, ou celles réclamant vérité et justice au sujet des disparitions forcées, n’ont pour l’instant pas été en mesure de s’enregistrer".
Les ONG de défense des droits de l'Homme ne sont pas les bienvenues
Pour sa part, Amnesty International Algérie, légalement enregistrée dans le pays depuis 1991, "s’est tout récemment vu refuser l’autorisation requise pour l’organisation de son assemblée générale annuelle".
Plus généralement, "les groupes internationaux de défense des droits humains et spécialistes de ces droits aux Nations unies ne sont pas les bienvenus", conclut le rapport.
"Il reste encore à introduire des réformes de grande ampleur pour en finir avec les discriminations et les violences dont les femmes sont victimes, mais aussi pour respecter les droits des migrants. Par ailleurs, les mesures d’amnistie accordant l’immunité à des personnes ayant commis toutes sortes de violations affligeantes en Algérie par le passé ont seulement permis de consacrer l’impunité".
En guise de conclusion, l’ONG s’accorde a dire qu’"en dépit de nombreuses promesses de réforme, les failles béantes que présente le bilan de l’Algérie en matière de droits humains persistent, même dans les domaines que les autorités affirment avec fierté avoir améliorés. Les discriminations et violences faites aux femmes restent monnaie courante".
Alger conteste
Madjid Bekkouche, membre de la direction de la communication de la campagne du candidat Bouteflika "rejette catégoriquement le rapport". Selon lui, "Amnesty International feint d’ignorer les nombreuses avancées accomplies en Algérie depuis 15 ans." Et de poursuivre, "ce sur quoi Amnesty se focalise, c’est la question du droit de se rassembler à Alger. Mais depuis 2001, les rassemblements sont interdits à Alger pour des raisons de sécurité."
Le responsable de la communication assure, en outre, que "l’Algérie n’a rien à envier aux pays les plus avancés" car "la liberté de ton est extraordinaire, certains médias ont un discours digne d’un parti d’opposition."
Et de conclure, "les Algériens ont accès à de nombreuses télévisions privées qui font un travail de proximité et montrent toute la diversité de l’Algérie."