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Erika, une fillette multi-greffée miraculée

Atteinte d'une maladie très rare, une fillette allemande de 5 ans s'est fait opérer dans un hôpital parisien en 2010 où elle a subi sept greffes d'organes. Le Professeur Chardot, l'un des chirurgiens, revient sur cet exploit médical.

"J’adore peindre les œufs pour Pâques", dit-elle dans un éclat de rire. Dans le parc de l’hôpital Necker, mardi 8 avril, Erika se balance sur un banc en riant. Aujourd’hui âgée de 9 ans, la fillette est désormais une enfant comme tant d’autres. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Erika est une miraculée, une survivante de l’opération de la dernière chance.

Atteinte de la maladie de Hirschsprung, une maladie rare du tube digestif, la fillette de nationalité allemande a été opérée en 2010 à l’hôpital Necker-enfants malades, à Paris. Une opération aussi délicate que rare car Erika a reçu une greffe de sept organes : l’estomac, le duodéno-pancréas, l’intestin grêle, le colon droit, le foie et les deux reins. Elle est alors âgée de 5 ans. Sa maladie est irréversible : la motricité de son tube digestif est défaillante et n’assure pas la progression des aliments. Résultat : pas de transit intestinal et l'enfant dépend d'une perfusion pour être nourrie. Les autres organes souffrent : ses veines se bouchent les unes après les autres, le foie devient fibreux, les reins ne fonctionnent plus et le stade de la dialyse est proche.

Une communication discrète

À l’époque, l’hôpital parisien avait décidé de ne pas communiquer sur cette intervention. "Les médecins avaient choisi l’humilité et la discrétion. C'était une opération risquée avec beaucoup d'incertitude sur le devenir de cette enfant. Des revues scientifiques très pointues en avaient parlé, mais pas la presse généraliste. Il y a l'exploit technique, certes, mais il y a aussi l'avenir de la fillette", explique à FRANCE 24 Claudine Tanguy, directrice de la communication de Necker.

En effet, même si l’enfant avait pu quitter l’hôpital puis rentrer à domicile quelques semaines après l’intervention, Erika restait encore très fragile et pouvait développer de nombreuses complications. Avec maintenant presque quatre années de recul, et une situation stable, l’intervention d’Erika, peut être considérée comme un succès. Alors qu’elle déjà fait l’objet de communications à des congrès scientifiques, elle a été révélée récemment à la presse généraliste.

L’opération n’est pas une première mondiale, certes, la greffe multiviscérale existe depuis quelques années. Elle est l'aboutissement de la greffe intestinale. Erika a reçu sept organes abdominaux "en bloc" : jamais encore en France, une patiente n’avait reçu autant d’organes en même temps..

Cinq greffes intestinales pédiatriques par an en France

Trois chirurgiens, le Dr Sabine Irtan, le Pr Yves Aigrain et le Pr Christophe Chardot se chargent de la délicate opération. "Necker est le seul centre en France à effectuer des greffes intestinales pédiatriques", explique le professeur Christophe Chardot à FRANCE 24. Alors que la France a été pionnière des greffes intestinales pédiatriques dès 1987, l'Allemagne ne s'est lancée dans ce domaine il y a quelques années seulement : raison pour laquelle Erika a été adressée à Paris. "Un peu plus de cent opérations de ce type ont été réalisées à Necker depuis 1994, soit une moyenne de cinq par an, ce qui est très peu […] Mais Paris reste le premier centre européen dans ce domaine", rappelle le chirurgien.

Reste que l’opération demeure extrêmement délicate et implique de multiples spécialités. "Certaines phases de l’intervention sont angoissantes : après l'explantation des organes natifs, l’abdomen est complètement déshabité", avait déjà reconnu Christophe Chardot, sur France 5 dans l’émission "Allo Docteurs". D’autant plus angoissante que l’échec n’était pas permis. Les donneurs sont rares. "Heureusement, les décès d’enfants sont rares, et donc les petits greffons sont rares", explique le Pr Chardot en rappelant que tous les organes proviennent d’un seul et même donneur.

Une intervention de 10 à 12 heures

Deuxième difficulté : la vitesse. Il faut opérer rapidement car la durée autorisée entre le prélèvement du greffon et sa réimplantation doit être inférieure à six heures. "Nous avons retiré tous les organes malades en bloc et réimplanté le greffon en bloc", explique le chirurgien, précisant que la durée de l'intervention d'Erika a été de 10 à 12 heures.

Aujourd’hui Erika va bien. Quatre ans après l’opération, grâce à son nouveau greffon, "elle va à l’école, elle mange presque normalement, elle a des copines, elle n’a plus de cathéter", explique le Pr Chardot. Elle revient toutefois deux à trois fois par an en France pour contrôler que tout fonctionne bien. "Elle devra poursuivre le traitement anti-rejet à vie. La surveillance est très étroite pour vérifier qu’elle ne développe pas des infections ou des tumeurs". La maladie de Hirschsprung ne peut pas récidiver sur le greffon, Erika est donc sur ce plan guérie. "Nous ne voulions pas communiquer avant d’être sûrs qu’Erika aille bien, avec un long recul. Les décès après greffes intestinales sont malheureusement possibles", ajoute le chirurgien.

Selon "Le Figaro", quand on demande aujourd’hui à la fillette ce qu’elle pense de sa greffe, Erika répond : "Je sais que j’ai eu un cadeau d’une autre petite fille : mon ventre. Nous nous entendons bien et je parle souvent avec ma sœur dans mon ventre."
 

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