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Procès Agnelet : retour sur 37 ans de saga judiciaire

Maurice Agnelet a été condamné vendredi par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine à 20 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat en 1977 de sa maîtresse Agnès Le Roux. Retour sur une saga judiciaire qui a commencé il y a plus de 30 ans.

Sept heures trente de délibération ont mis un terme au dernier épisode d'une saga judiciaire vieille de plus de 30 ans. Après un mois de procès à rebondissements, Maurice Agnelet, 76 ans, a été condamné par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine à 20 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de sa maîtresse Agnès Le Roux, conformément aux réquisitions du parquet.

Imperturbable comme il l'a été tout au long de son procès, Maurice Agnelet n'a pas réagi à l'annonce de sa condamnation, alors que les membres de la famille Le Roux s'étreignaient longuement. Elle peut enfin écrire le "point final" de cette affaire, comme le déclare Jean-Charles, l’un des frères Le Roux, à la sortie du procès.
Peut-être cette famille au deuil infini trouvera-t-elle enfin la paix après 36 ans de questions restées en suspens, bien que la disparition d’Agnès, dans la nuit de 27 au 28 octobre 1977, reste non élucidée. Ni son corps, ni sa voiture n'ont jamais été retrouvés.
Une disparition qui demeure mystérieuse
Héritière du casino du Palais de la Méditerranée, à Nice, Agnès Le Roux disparait le week-end de la Toussaint de 1977. Elle a 29 ans, une belle fortune familiale et un amant : Maurice Agnelet, avocat au barreau de Nice et militant engagé des droits de l’Homme. Il est marié et père de trois fils.
Depuis la disparition d’Agnès, la famille Le Roux est persuadée de la culpabilité d’Agnelet. C’est elle qui a porté plainte quatre mois après la disparition de la jeune femme, après que Maurice Agnelet a transféré un million de francs suisses sur son compte personnel depuis le compte d’Agnès. Il devient dès lors le suspect principal.
L’amant de la disparue accumule mensonges et contradictions. Il nie d'abord avoir eu une liaison avec la jeune femme, puis affirme ne pas avoir eu connaissance de l'existence du compte en Suisse. Il affirme ensuite qu'Agnès Le Roux lui avait fait don de l'argent. Puis, en 1980, il contracte un mariage blanc au Québec, dans le but d’obtenir la nationalité canadienne.
Manque de preuves
Lors du premier procès en 1985, Maurice Agnelet obtient un non-lieu faute de preuves. Sa nouvelle maîtresse,  Françoise Lausseure lui avait fourni un alibi, déclarant que Maurice Agnelet se trouvait avec elle à Genève, au moment de la disparition d'Agnès Le Roux. Devenue entre temps sa seconde épouse, elle déclare, lors de leur procédure de divorce en 1999, lui avoir fourni un faux alibi pour la nuit du 27 au 28 octobre 1977 pour "lui rendre service".
De nouvelles charges mènent à la réouverture de l'information pour "homicide volontaire". Mis en examen, Agnelet est acquitté par la cour d'assises des Alpes-Maritimes en 2006. Le parquet fait appel et le prévenu est finalement condamné le 11 octobre 2007 à vingt ans de réclusion criminelle. Mais en janvier 2013,  la Cour européenne des droits de l'homme estime que "le meurtre n'est pas formellement établi", ouvrant la voie au troisième procès qui s’est ouvert le 18 mars devant la cour d’appel de Rennes.
L’explosion d’une famille
Pendant le mois qu’aura duré ce procès, les témoignages, plus poignants les uns que les autres, se sont succédé. Les frères et sœurs d’Agnès Le Roux d’abord. Puis, la première femme de Maurice Agnelet et mère de ses enfants, Annie Litas, qui a deposé pour la première fois devant une cour d’assise. Elle a plaidé le droit à l’oubli, le droit "à fermer le livre et permettre à la vie de reprendre", elle qui a vécu un si long calvaire depuis la disparition de la maîtresse de son mari.
Mais le fils cadet de l'accusé, Guillaume , refuse de tourner la page en silence. Son frère Thomas et lui ont jusque là soutenu Agnelet, le frère aîné est décécé. Mais Guillaume, le 7 avril, accuse son père du meurtre d’Agnès Le Roux, affirmant que ses deux parents lui ont confié ce trop lourd secret. Maurice Agnelet lui aurait avoué avoir tué sa maîtresse en Italie, dans la région de Monte Cassino. " En pleine nuit, il s'est réveillé et a tiré une balle dans la tête d'Agnès Le Roux. Il a ensuite crié au secours pour voir si des gens se trouvaient à proximité. Si quelqu'un s'était précipité, il aurait prétendu qu'il s'agissait d'un suicide. Personne n'est venu " , raconte l’homme de 45 ans, tétanisant autant les plaignants que la famille de l’accusé, les jurés ou la salle.
Glaçant aussi Me François Saint-Pierre, l’avocat d’Agnelet, qui ne peut contenir sa colère contre son client le jour de sa plaidoirie: " Pourquoi êtes-vous incapable de parler aux gens? Pourquoi n’avez-vous pas adressé vos excuses à Jean-Charles Le Roux [le frère d’Agnès, NDLR] que vous avez baladé ? Et quand Guillaume est venu, pourquoi n'avez-vous pas été capable de lui dire que vous l'aimiez ? " l aisse-t-il échapper à l’adresse de Maurice Agnelet.   Mais c’est sur le registre du droit qu’il conclut, estimant que dans ce dossier " tout n'est qu'hypothèses. Mais une addition d'hypothèses, c'est toujours des hypothèses. S'il manque la preuve, vous devez acquitter Maurice Agnelet " .
Nouveau round

À la fin du procès, Agnelet finit par présenter ses excuses. À la famille Le Roux, ainsi qu’à sa propre famille qui s’est déchirée à la barre. Mais les excuses ne pèsent plus et les hypothèses suffisent. Maurice Agnelet a été condamné à 20 ans de prison. Une décision dont il est "déçu" et "surpris", selon son avocat. 

Aussi, bien qu'il ait admis avoir "gâché" la vie de ses fils et de leur mère, Maurice Agnelet, ce "procédurier acharné" d'après les dires de son avocat, ne ferme pas le livre, comme l'aurait surement souhaité Annie Litas, ou encore la famille Le Roux. Samedi 12 avril, il décide de se pourvoir en cassation.

La cour de cassation devra donc statuer dans un délai de 8 à 10 mois. Si celle-ci annule le verdict de la cour d'assises d'Ille-et-Villaine, un quatrième procès sera organisé. Si le pourvoi est rejeté, la condamnation sera définitive. Pour la famille Le Roux, elle l'est déjà. Les frères et soeurs d'Agnès ont dors et déjà annoncé qu'ils ne participeraient pas à un nouveau round judiciaire.