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Fidèle à sa politique de réduction des dépenses, la France se sépare chaque année un peu plus de ses biens immobiliers à l’étranger. Un trésor patrimonial estimé à 5 milliards d’euros.

Ambassadeur auprès des Nations unies cède coquet appartement de 18 pièces donnant sur Park Avenue… Le gouvernement français a mis cette semaine en vente la luxueuse résidence new-yorkaise située dans un immeuble de Manhattan où ont vécu, entre autres célébrités, Jackie Kennedy et le banquier John D. Rockefeller Jr. Le ministère des Affaires étrangères espère obtenir 48 millions de dollars, soit 34,5 millions d'euros de la cession du bien.

Cette vente d’une partie du patrimoine immobilier français à l’étranger s’inscrit dans le cadre de l'effort de contrôle des dépenses publiques et d'une "gestion plus efficace du parc immobilier du ministère", assure la porte-parole de l'ambassade de France à Washington, Dana Purcarescu.

Des ventes en progression constante

Et la France a de quoi réaliser bien d’autres ventes. Paris entretient une activité diplomatique depuis plus de trois cents ans et possède le troisième plus grand réseau diplomatique au monde, derrière les États-Unis et la Chine. Le pays possède à ce titre un patrimoine immobilier considérable à l'étranger. Ambassades, résidences des ambassadeurs, consulats, résidences des consuls généraux, centres culturels, instituts français ou établissements scolaires sont répartis dans 160 pays. Ils représentent environ 1 500 biens d’une valeur estimée entre 4,5 milliards et 5 milliards d'euros.

Un trésor patrimonial souvent onéreux à entretenir. Dans une logique d’économie, la France a donc progressivement pris l’habitude de se séparer de ses biens qui, souvent, tombent dans le domaine privé. En 2009, l’État a ainsi vendu pour 12,3 millions d'euros de biens diplomatiques à l'étranger. En 2010, les ventes de ces biens ont rapporté 38 millions dans les cagnottes de l’État, pour atteindre 58 millions en 2011.

Des biens plus ou moins faciles à vendre

Le ministère des Affaires étrangères, qui empoche le fruit des ventes pour équilibrer son budget, y trouve pour l'instant largement son intérêt. Depuis 2006, le Quai d’Orsay perçoit la totalité du prix des ventes de ses biens situés hors des frontières, et non pas la moitié comme pour les autres ministères. En contrepartie, il ne reçoit aucun crédit pour couvrir ses dépenses liées à l'entretien de son patrimoine à l'étranger.

L’État s’est ainsi séparé de l'appartement de fonction du consul de France à Chicago en 2010 pour la somme de 750 000 euros ou de l'ancien consulat d'Agadir au Maroc pour 356 000 euros. Plus récemment, la résidence France de San Francisco, estimée 5 millions de dollars, a été mise en vente en août dernier pour renflouer les caisses. Mais l'opération la plus juteuse reste la résidence du consul de France sur les hauteurs de Hong Kong vendue en 2012 à 52 millions d'euros à un nouveau milliardaire chinois.

Mais toutes les mises en vente ne connaissent pas le même succès. Ces ressources subissent les fluctuations du marché de l’immobilier. Le quai d'Orsay connaît toutes les peines du monde à vendre son ambassade à Madrid dans un marché immobilier espagnol déjà saturé par celui des bâtiments haut de gamme.

Si le ministère parvient à ses fins, il n’en obtiendra certainement pas 20 millions d'euros, montant de l'estimation du palais Arenzana avant la crise. Même problème en Argentine. La résidence officielle de l’ambassadeur mise en vente à 10 millions d’euros ne trouve pas non plus preneur.

Une source tarissable

La crise immobilière ou la grande pauvreté de certains pays ne sont pas le seul frein. Le caractère affectif que les expatriés français et les habitants d’un pays ont pu nouer avec certains biens patrimoniaux peut rendre une vente autrement plus complexe. La France a dû renoncer à se séparer de la "maison de France" à Berlin, qui abrite l’Institut français et le cinéma "Paris".

L’annonce de la vente de ce haut lieu de rendez-vous des défenseurs de la francophonie en avril 2013 à Berlin avait provoqué une levée de boucliers. "C’est un bout de France qui disparaît" avait titré le site de la Berliner Zeitung. La pugnacité des amoureux du lieu a été plus forte que l’intérêt financier : Laurent Fabius a annoncé le 28 janvier dernier que la France conserverait ce patrimoine.

Reste que cette source financière est amenée à se tarir. " Le nombre de grandes acquisitions devrait diminuer dans un horizon de cinq ans", prévoit le rapporteur général.

À cela s’ajoute la fin du régime dérogatoire dont bénéficie le ministère des Affaires étrangères destiné à être révisé en 2015. À partir de cette année-là, sauf modification de la loi, au moins 30 % du produit de la vente des immeubles situés à l'étranger devront servir au désendettement de l'État.