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Deux toiles de maître estimées à plusieurs millions d’euros ont été découvertes dans la cuisine d’un ouvrier en Sicile. Disparues depuis 1970, ces deux pièces ont été retrouvées grâce à une vaste enquête de l’élite mondiale des chasseurs de trésors.
Depuis 40 ans, elles ornaient la cuisine d'un ouvrier de la Fiat. Deux toiles des peintres français Paul Gauguin et Pierre Bonnard, estimées à plusieurs millions d’euros, ont été retrouvées en Italie, après de longues années d’une enquête digne d’un film hollywoodien.
La première, "Fruits sur une table ou nature au petit chien", dédiée à la comtesse de N(imal), a été peinte par Paul Gauguin en 1889. Ses dimensions originales (49x54 cm) ont été réduites par les voleurs à 46,5x53 cm. Le seconde, non datée, s’intitule "La femme aux deux fauteuils" (44x54 cm) et a été réalisée par Pierre Bonnard (1867-1947). Ces deux pièces de maître ont été dévoilées lors d’une conférence de presse, mercredi 2 avril, du ministre italien de la Culture, Dario Franceschini, et le général Mariano Mossa, à la tête de l’enquête sur leur disparition.
Deux œuvres “exceptionnelles” volées en 1970
Ces tableaux avaient été dérobées en 1970 au domicile d'une riche famille londonienne, les Mark-Kennedy, dont les héritiers peuvent désormais à tout moment "revendiquer la propriété", a expliqué le commandant Mossa. "Il s'agit de tableaux d'une importance historique et artistique exceptionnelle", a souligné le général Mossa.
Son équipe composée de “carabiniers” - des professionnels de la chasse aux trésors volés - est à la tête de la plus grande banque de données mondiale d'œuvres d'art subtilisées, représentant environ 5,7 millions d'objets. Leur expertise dans ce domaine est reconnue dans le monde entier depuis 45 ans.
"Le chiffre d'affaires généré par le commerce illégal d'œuvres d'art arrive en quatrième position au niveau mondial, après celui des armes, de la drogue et des produits financiers", avait rappelé en janvier dernier le général Mossa.
Les deux toiles oubliées dans un train
Qualifiant l’histoire de ces toiles de “rocambolesque”, Dario Franceschini a tenu à féliciter le travail de longue haleine des carabiniers."C'est une affaire vraiment fascinante, incroyable, le symbole de tout le travail extraordinaire, quoique peu visible, accompli depuis des années" pour retrouver les deux toiles. "Oubliées dans un train Paris-Turin", elles ont été retrouvées par le personnel des chemins de fer italiens, qui ne se rend pas compte de leur valeur, a raconté le général Mossa.
Consignés un certain temps aux objets trouvés, les deux tableaux sont mis aux enchères à Turin en 1975 et achetés, pour la somme ridicule de 45 000 lires de l'époque (23 euros), par "un ouvrier de la Fiat, passionné d'art".
"L'homme les a ensuite accrochés sur les murs de sa cuisine d'abord à Turin, puis en Sicile après avoir pris sa retraite, où ils sont restés pendant 40 ans jusqu'à ce qu'on les récupère", a-t-il ajouté.
L’enquête se poursuit
Comment les carabiniers sont-ils arrivés jusqu'à cette cuisine sicilienne ? Là encore, l'histoire est "extraordinaire". Elle commence par des photos, entrées en possession des carabiniers. Ces derniers repèrent immédiatement que ces toiles peuvent être de la main des deux maitres impressionnistes français.
Après un premier contrôle, il s'avère que les tableaux ne sont pas recensés parmi les œuvres volées. Mais l'enquête, diligentée par le procureur-adjoint du parquet de Rome, Giancarlo Capaldo, ne s'arrête pas là.
En cherchant dans les catalogues des musées, des maisons d'enchères, sur Internet, les carabiniers tombent sur "une circonstance originale" : le tableau de Gauguin, recensé dans un catalogue en 1964, ne l'est plus dans celui de 2001… Retrouvant ensuite deux articles parus en juin 1970 dans le “New York Times” et dans un quotidien de Singapour sur le vol de ces deux toiles à Londres, les enquêteurs font le rapprochement.
Restait alors à identifier le propriétaire actuel des tableaux - l'ouvrier sicilien - et à le "convaincre, via des avocats, de remettre ces objets aux enquêteurs", a souligné le général Mossa. L'enquête n'est pas terminée, a-t-il ajouté, car il s'agit désormais de reconstituer "les étapes du parcours des œuvres", du vol jusqu'à leur découverte dans le train.
Avec AFP