Julia Cagé, économiste à l’Université de Harvard, s’est exprimée sur FRANCE 24 sur les perspectives économiques qui accompagnent la nomination de Manuel Valls à Matignon, notamment depuis l’annonce d’un pacte de solidarité par le président Hollande.
FRANCE 24 : Le pacte de responsabilité est confirmé. Économiquement, François Hollande avait-il d’autre choix pour retrouver de la croissance et faire baisser le chômage ?
Julia Cagé : Le pacte de responsabilité est une mesure importante au sens où les cotisations salariales payées par les entreprises en France sont beaucoup trop importantes. Si l’on regarde les chiffres, on est à plus de 40 % en France contre environ 20 % en Allemagne.
Ces charges payées par les entreprises couvrent le chômage et la retraite, mais également les cotisations famille et celles de la santé. L’idée, c’est qu’une partie d’entre elles ne soit plus à la charge exclusive des entreprises.
F24 : Comment le gouvernement français peut-il financer le pacte de solidarité, qui prévoit une diminution des impôts et une baisse des cotisations salariales ?
Encore une fois, c’est une très bonne mesure, mais il n’y a eu aucune précision, notamment sur le montant et la manière dont cette réforme va s’organiser. On sait que le pacte de responsabilité représente 30 milliards d’euros. Le gouvernement envisage de faire environ 50 milliards d’économie. Si les 20 milliards restant pouvaient être consacrés à ce pacte de solidarité, ce serait une bonne chose, mais comment le financer ?
On vient d’observer un changement de Premier ministre et Manuel Valls, pendant la primaire socialiste, était l’un des rares favorables à la TVA sociale. Si l’on suit cette logique, il s’agirait donc de baisser les cotisations sur les entreprises, voire celles sur les salariés, et de financer cela par une augmentation de la TVA.
Mais en opérant ce mécanisme, le pacte de solidarité est ébranlé, celui-là même qui est censé redonner du pouvoir d’achat aux ménages. À mon sens, la meilleure manière de faire des économies, c’est de réformer les collectivités territoriales. Est-ce que le gouvernement aura le courage d’aller jusqu’à la suppression des départements ?
F24 : Matteo Renzi, le nouveau Premier ministre italien, promet la quasi-suppression du Sénat. Est-ce l’exemple à suivre pour la France ?
Tout le monde en parle comme si c’était l’exemple absolu à suivre, mais on n’en sait rien. Matteo Renzi fait des investissements, il a promis des baisses d’impôts et une simplification du système italien. S’il fait tout ce qu’il a prévu et si ça marche, j’applaudirai des deux mains. Mais on ne peut pas dire qu’aujourd’hui le salut de la France passe par un modèle italien qui se met à peine en place.
En tout cas, il est certain que la France doit se pencher sur de grandes simplifications territoriales. C’est au nouveau gouvernement de retrousser ses manches. On nous a dit qu’il s’agissait d’un gouvernement de combat, alors qu’il se mette au travail.