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Le vote blanc, "arme de destitution massive" ?

Une loi reconnaissant le vote blanc – sans l’intégrer aux suffrages exprimés - sera promulguée le 1er avril. Mais l’association des Citoyens du vote blanc dénonce "une farce" qui vise à éviter de décrédibiliser la classe politique. Explications.

Il est scruté à la loupe, décortiqué, analysé. À chaque scrutin, le taux d’abstention pèse fortement dans le débat politique. D’autant plus lorsqu’il bat des records historiques comme ce fut le cas, le 23 mars dernier, pour le premier tour des élections municipales françaises (36,45 % d'abstention). À l’inverse, les votes blancs ou nuls passent totalement inaperçus. Pourtant, dans bien des communes françaises, ils auraient sérieusement pu jouer les trouble-fêtes.

À Mayenne, une ville de 13 200 habitants située dans les Pays de la Loire, 34,66 % des votants - soit plus d’un électeur sur trois - a fait le choix de se déplacer aux urnes pour voter blanc ou nul. Un chiffre record qui n’a pas semblé perturber le seul candidat en lice, Michel Angot, réélu de fait avec 100 % des voix, le vote blanc ne comptant pas. Et ce triste constat n’est pas seulement l’apanage des villes où les candidats font défaut. À Montereau-Fault-Yonne, petite ville seine-et-marnaise de 16 600 habitants, malgré les trois candidats en lice, 10,25 % des électeurs ont choisi le vote blanc. C’est plus que la liste d’extrême gauche qui a recueilli 4 % des suffrages et pas si loin des 19 % du candidat socialiste. Finalement, l’UDI Yves Jego a été reconduit dès le premier tour avec près de 77 % des voix.

Contacté par FRANCE 24, le ministère de l’Intérieur indique qu’il ne dispose pas de données nationales sur le vote blanc. Les chiffres sont disponibles uniquement commune par commune, ce qui empêche de dégager une tendance générale. Votée en février dernier, la loi sur la reconnaissance du vote blanc a vocation - en apparence - à changer la donne en la matière. Le texte, qui doit être promulgué le 1er avril, prévoit que les bulletins blanc soient enfin comptabilisés séparément des bulletins nuls, c’est à dire raturés ou déchirés. Une avancée significative qui permettra d’obtenir des chiffres plus précis, dès les élections européennes de mai. Reste que les votes blancs resteront une donnée à part, en d’autres termes, ils ne seront toujours pas comptés avec les autres suffrages exprimés.

"Le vote blanc est un siège éjectable"

"C’est une farce", résume Stéphane Guyot, fondateur de l’association des Citoyens du vote blanc. “Il a fallu 20 ans de débats et 27 textes de loi pour que les parlementaires réalisent enfin que ne pas être d’accord ce n’est pas une erreur : un vote blanc n’est pas un vote nul”, explique-t-il à FRANCE 24. Depuis plusieurs années, cet agent immobilier âgé de 42 ans, milite pour que le blanc soit décompté du suffrage au même titre que les scores des candidats. Mais selon lui, la classe politique a bien trop à perdre pour accepter d’accéder à sa demande, même si 69 % des Français se disent en faveur d’une reconnaissance du vote blanc.

“Les parlementaires le disent eux-mêmes, reconnaître le vote blanc fait courir le risque d’un affaiblissement de leur légitimité”, assure Stéphane Guyot. “Le vote blanc, c’est un siège éjectable, une arme de destitution massive qui serait en mesure d’invalider un scrutin si son taux venait à dépasser les 50 %”, ajoute-t-il, regrettant que le système actuel nous oblige au vote sanction ou au vote par défaut. “Voter doit être un acte d'allégeance. Désormais on ne fait que ‘voter contre’”. Lors de la présidentielle de 2012, plus de deux millions de votes blancs et nuls confondus ont été dénombrés. S’ils avaient été pris en compte, François Hollande, qui a été élu avec 51,63 % des suffrages, n’aurait probablement pas obtenu la majorité au second tour, estime Stéphane Guyot. De quoi sérieusement heurter les principes démocratiques au pays des Droits de l’Homme.

Candidat aux élections européennes

Pour s’attaquer concrètement au problème, Stéphane Guyot a fondé le Parti du vote blanc (PVB). Dénué de tout programme politique et composé de candidats apolitiques, ce parti vise uniquement à incarner en chair et en os le vote blanc. “L’idée est de faire concourir des ‘candidats blancs’ qui représentent le vote blanc. C’est, en fait, un moyen détourné pour que les bulletins blancs soient comptabilisés parmi les suffrages exprimés.”

Avec ce concept, Stéphane Guyot a déjà réussi à obtenir 83 parrainages de maires (sur les 500 requis) lors de la présidentielle de 2012. Dans la foulée, la même année, le parti du vote blanc a présenté 27 candidats aux législatives. Il a décroché un honorable 2,5 % des voix quand la plupart des autres candidats ont plafonné entre 0,5 et 1 %.

Prochain objectif : les élections européennes. "Nous sommes partis du constat que 80 % des lois françaises sont des applications de directives européennes. Nous avons une vraie carte à jouer. C’est pourquoi nous comptons présenter au moins cinq listes à travers la France", confie Stéphane Guyot. En cas d’élection, l’eurodéputé ‘blanc’ s’engage à mettre son mandat à profit pour défendre un projet de loi de prise en compte réelle du vote blanc. Il prévoit également de constituer un groupe de travail portant sur l’ensemble "des garde-fous démocratiques à mettre en place" en plus du vote blanc, comme le non cumul des mandats. Et bien évidemment, le potentiel élu votera blanc à tous les suffrages concernant des sujets de société.