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MSF : "La haine envers les musulmans s’est généralisée en Centrafrique"

Un an après le début de la crise en Centrafrique, la situation humanitaire est alarmante dans le pays. L’ONG Médecins sans frontières tire la sonnette d’alarme sur le sort réservé à des "groupes de population indésirables" dans le pays.

À quelques jours du premier anniversaire de la crise, la situation humanitaire en Centrafrique a atteint son "paroxysme", a alerté, mercredi 19 mars, l’ONG Médecins sans frontières (MSF). Exode massif, tueries : "la peur s’est installée partout", commente Marie-Noëlle Rodrigue, directrice des opérations. Si MSF indique que l’ensemble de la population est touchée par les violences, la minorité musulmane, "dévenue indésirable dans son propre pays", inquiète tout particulièrement les humanitaires.

"Des curés aux propos haineux"

"Les musulmans ont payé le prix très fort de leur assimilation à la Séléka", rappelle Mme Rodrigue. L’ex-Séléka, rébellion à majorité musulmane à l’origine du putsch mené en mars 2013 contre le président François Bozizé, s’est livrée à de nombreuses exactions dans le pays. En réaction, des milices d’auto-défense, les anti-Balakas, ont entrepris, dès décembre, de prendre leur revanche.

"Toute la population a développé un discours de haine envers les musulmans. Aujourd’hui, même des curés centrafricains véhiculent des propos haineux", rapporte, à FRANCE 24, Delphine Chedorge, coordinatrice des activités d’urgence.

Si une baisse des violences est observée depuis janvier dans la capitale, Bangui, MSF assure que la violence n’a pas pour autant disparu. "S’il y a moins d’attaques contre les musulmans, c’est tout simplement qu’il y a moins de musulmans dans la ville", déclare Marie-Noëlle Rodrigue. Face aux violences, beaucoup de musulmans ont en effet fui vers d’autres régions ou vers le Tchad et le Cameroun voisins. Par mesure de sécurité, les employés musulmans de MSF ont, pour leur part, tous quitté le pays, dans lequel l’ONG est active depuis 1997.

"Dès qu’un homme sort de la zone protégée, il se fait tuer"

Parmi les musulmans restés dans le pays, certains ont trouvé refuge dans des quartiers, des églises ou encore des mosquées, qui sont devenus des "enclaves". Malgré les efforts de protection de la force française Sangaris ou des soldats africains de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), ces individus sont "pris au piège". À Bangui, environ 5 000 musulmans vivraient ainsi enclavés. Dans l’ouest du pays, même schéma : "À Carnot, dès qu’un homme sort de la zone protégée, il se fait tuer", explique Marie-Elisabeth Ingres, chef de mission.

Au-delà des musulmans, MSF précise que tout individu est potentiellement une cible en Centrafrique, où les violences ont fait près d'un million de déplacés et réfugiés, sur une population totale de 4,6 millions d'habitants. Face à cette crise humanitaire, l'ONG a lancé un appel aux dons afin de mener à bien les "coûteuses opérations chirurgicales" auprès des blessés. L’organisation a également dénoncé un "désintérêt manifeste" de la part des autorités locales et de la communauté internationale. "Le plus choquant, c’est de voir l’absence de réactions, s’insurge Marie-Elisabeth Ingres. Si ça se passait aux portes de l'Europe, on agirait beaucoup plus vite".