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Alors que la guerre fait rage depuis trois ans en Syrie et que les négociations entre l'opposition et le régime sont au point mort, Damas prépare la présidentielle de juillet. Les conditions pour y concourir excluent de facto les opposants en exil.

Trois ans déjà que la guerre fait rage en Syrie et accable la population qui n’en finit plus de fuir le pays. Et malgré les violences, les destructions et une situation économique désastreuse, Damas se prépare à tenir l’élection présidentielle qui doit se tenir 60 à 90 jours avant la fin du mandat de Bachar al-Assad prévue le 17 juillet.

L’homme fort de Damas n'a rien annoncé quant à sa volonté de briguer un troisième mandat. Mais dans les secteurs de Damas contrôlés par le pouvoir, les préparatifs de sa réélection vont bon train. Les rassemblements se succèdent pour demander au président syrien, âgé de 48 ans, de faire acte de candidature.

D’autre part, premier signe officiel de l’approche de la présidentielle, le Parlement syrien a approuvé, jeudi 13 mars, une nouvelle loi électorale. En théorie, cette loi permet, pour la première fois depuis des décennies, à plusieurs candidats de se présenter, conformément à une nouvelle Constitution approuvée en 2012, en pleine guerre. Celle-ci a instauré le "pluralisme politique" en rayant de la Constitution la mention stipulant que le parti Baas était "le guide de la société syrienne". Auparavant, en effet, lors de l’élection présidentielle, le parti Baas choisissait un candidat qu'il soumettait à l’approbation des Syriens, comme un plébiscite. En cas de réponse négative - ce qui ne s’est jamais produit - la loi prévoyait que le parti propose un autre candidat.

Les opposants en exil éliminés de facto

La nouvelle loi électorale précise que "le candidat doit avoir plus de 40 ans, doit être Syrien, de parents syriens (...), ne doit pas avoir été condamné pour un crime (...), ne doit pas être marié à une non-Syrienne". Il doit également "avoir vécu dans la République arabe syrienne pendant une période de 10 ans de manière continue au moment de présenter sa candidature et ne doit pas avoir une nationalité autre que syrienne". Il doit avoir recueilli le soutien d'au moins 35 des 250 députés syriens.

Une loi que Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, juge "ultra-restrictive", les figures de l’opposition en exil, qui composent notamment la Coalition nationale syrienne, principale instance de l’opposition, étant de facto éliminées. "Même Qadri Jamil, l’opposant le plus célèbre de Syrie, qui a un temps fait partie du gouvernement, est exclu, puisque sa femme est Russe et qu’il vit à Moscou depuis son limogeage il y a six mois", ironise-t-il. " En plus, quand on sait que deux tiers des députés sont du parti Baas et que le tiers restant est composé de notables cooptés par le système, il n’y a aucune marge de manœuvre pour un candidat indépendant", observe encore le chercheur. Car outre le fait que nombre d'opposants de l’intérieur sont incarcérés, il est en effet très peu probable qu’un député apporte son soutien à un opposant connu pour son hostilité au régime. Selon lui, "il y aura des candidats inconnus, qui feront office de figurants aux côtés d’Assad, sans l’empêcher de remporter la présidentielle dès le premier tour".

Le vice-ministre Fayçal Moqdad a cependant assuré que le régime était prêt à "écouter le point de vue" éventuel de l'opposition sur cette loi. Difficile pour les deux parties de s’accorder quand on sait que l’opposition syrienne, qui lutte pour la chute du régime depuis trois ans, a fait du départ de Bachar al-Assad une condition préalable à toute négociation en vue de trouver une issue à la crise. Le chef de la Coalition de l'opposition, Ahmad Jarba, a mis d'ailleurs en garde, jeudi, contre une nouvelle candidature du président syrien Assad.

Le régime réaffirme sa souveraineté sur l’ensemble du territoire

De son côté, le médiateur international Lakhdar Brahimi s'est inquiété, jeudi, de la tenue d'une élection présidentielle en Syrie qui exclurait l’opposition, estimant qu’un tel scrutin sonnerait le glas des négociations devant mettre fin à trois ans de conflit. Paris a également exhorté Damas à renoncer à organiser le scrutin.

Mais il est très peu probable que Damas fasse marche arrière. "Avec ces élections, le régime montre qu’il existe et fonctionne bel et bien", explique Fabrice Balanche. "De plus, il met l’Occident face à son incapacité dans le dossier syrien", remarque-t-il. Selon lui, la date choisie par le régime de Bachar al-Assad pour voter cette loi électorale et concrétiser la tenue de l’élection n’est pas anodine et doit être rapprochée de la situation en Crimée. "Dimanche doit se tenir un autre scrutin que l’Occident juge illégitime, celui qui porte sur le rattachement éventuel de la Crimée à la Russie. Or, malgré les appels répétés de la communauté internationale, le référendum aura lieu et les Occidentaux n'interviendront pas", observe Fabrice Balanche. "Assad veut montrer que la présidentielle syrienne n’est pas différente".

En outre, le Parlement syrien a voté une autre loi la semaine dernière, passée inaperçue, qui vise également à démontrer la solidité du régime de Damas. Le texte concerne le séjour des étrangers sur le sol syrien. Il stipule que tout étranger, même de nationalité arabe, doit avoir un visa. Sont donc concernés les combattants étrangers dans les rangs de la rébellion, les journalistes étrangers entrés clandestinement et les travailleurs humanitaires qui acheminent depuis les pays voisins de l’aide, notamment dans les zones rebelles. Des catégories de personnes qui évoluent exclusivement dans les régions tenues par la rébellion. Même s’il sera difficile pour le régime syrien de faire appliquer cette loi, "ce-dernier réaffirme de cette manière sa souveraineté sur l’intégralité du territoire syrien".