
Si, depuis 1999, les États-Unis ont connu une vingtaine de tueries dans des écoles, le souvenir du massacre de Columbine reste le plus vif. Dix ans jour pour jour après le drame, des célébrations sont organisées dans l'État du Colorado.
AFP - Dix ans après le massacre du lycée Columbine dans la banlieue de Denver (Colorado, ouest), les familles des victimes vivent l'enfer quotidien d'un impossible oubli.
"Je m'en souviens comme si c'était hier", explique Michael Shoels, dont le fils Isaiah avait été fauché à l'âge de 18 ans par les balles tirées par Dylan Klebold et Eric Harris le 20 avril 1999. Onze autres élèves et un professeur avaient perdu la vie. Les agresseurs s'étaient suicidés.
La tuerie de Columbine symbolise et résume toujours la violence dans les écoles américaines, mais "tous ces anniversaires n'ont pas de sens, parce que j'y pense tous les jours", poursuit M. Shoels, qui a quitté la région de Denver après le drame et vit aujourd'hui à Houston (Texas, sud).
Isaiah, l'un des rares Noirs du lycée, avait été particulièrement visé par les tueurs, selon sa famille. Une coïncidence hante ses parents depuis dix ans: trois jours avant le massacre, le jeune homme leur avait demandé, à leur grande surprise, ce qu'ils feraient "si quelqu'un abattait tous vos enfants".
"Vous savez, aucun gamin n'est censé poser une telle question à ses parents", dit M. Shoels. A l'époque, lui et son épouse Vonda avaient répondu qu'ils ne chercheraient pas à se venger, mais militeraient contre la violence.
Ce qu'ils ont fait: M. Shoels a participé à des programmes de rachat d'armes à Atlanta, manifesté dans la région de New York et s'est même déplacé sur le campus de Virginia Tech, où un étudiant déséquilibré a abattu 32 personnes en 2007, la pire tuerie dans une enceinte scolaire de l'histoire américaine.
Tom Mauser, dont le fils Daniel a été tué à Columbine, milite lui aussi pour le contrôle de la vente des armes à feu dans un pays où en posséder une reste un droit garanti par la Constitution. Un autre père de victime, Brian Rohrbough, est entré en politique, se présentant même à la dernière présidentielle sous l'étiquette d'un petit parti.
Aujourd'hui âgé de 52 ans, M. Shoels est à la tête d'une entreprise de traiteur. Mais il est aussi devenu pasteur et partage sa vie entre son entreprise et le militantisme, via une organisation caritative qui distribue des disques exhortant les jeunes à renoncer à la violence.
Il affirme que son groupe a conduit une dizaine de jeunes "gangsters et rappeurs" à s'amender. Ses disques, mélange de rap et de gospel, "disent aux gamins ce qu'ils ne doivent pas faire", explique M. Shoels, pour qui le mot-clé est "respect". "Ca ne fait pas mal de dire +bonjour+ à quelqu'un", insiste-t-il.
L'essence de son message s'applique selon lui à toutes les fusillades qui endeuillent toujours les Etats-Unis, et dont la crise économique actuelle fait craindre une recrudescence. Pourtant, M. Shoels ne croit pas à la limitation des ventes d'armes. Tout juste estime-t-il qu'il faudrait en interdire l'achat aux moins de 21 ans, contre 18 aujourd'hui.
"C'est à cet âge-là que vous devenez raisonnable. Il n'y a pas de raison de posséder une arme avant", assure M. Shoels, qui accepterait une exception pour les militaires et les policiers.
Pour le 10e anniversaire de la tuerie, M. Shoels n'a pas l'intention de revenir sur les lieux du drame, à Littleton, une banlieue du sud de Denver. Il ne sait pas ce qu'il fera lundi, mais assure que sa foi l'a aidé à survivre pendant la décennie passée.
"La parole de Dieu. Savoir que tout ira mieux demain. Beaucoup de prières, beaucoup de larmes", dit-il.