L’envoyé spécial de FRANCE 24 Gulliver Cragg est allé à la rencontre de la population à Torez, une ville minière située à l’est de l’Ukraine, très attachée à la Russie et nostalgique de l’ère soviétique. Reportage.
Alors que la Crimée est sans doute déjà perdue pour l'Ukraine, Kiev s'inquiète pour la suite. Car le référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie, organisé le 16 mars par les autorités pro-russes de la péninsule, trouve un écho dans le Donbass russophone, un bassin minier de l'est ukrainien, frontalier de la Russie. En effet, les appels pour l'organisation d'un scrutin similaire se font de plus en plus nombreux. L’envoyé spécial de FRANCE 24 Gulliver Cragg est allé à la rencontre de la population à Torez, une ville minière de près de 60 000 habitants, située à l’est de Donetsk, capitale de la région.
Comme la plupart des villes minières de l'Est, cette ville qui porte le nom de l'ancien dirigeant communiste français, Maurice Thorez, cultive la nostalgie de l'Union soviétique.
"Avant, il y avait dix-sept mines, et il n'y avait pas assez de bras pour travailler, raconte à FRANCE 24 Yura Geba, un mineur à la retraite. Désormais, il n'y en a plus que trois". Et de pester : "J'ai travaillé durant 33 ans dans les mines, et aujourd'hui ma retraite ne vaut même pas deux kopeks". Interrogé sur la situation du pays, la révolte du Maïdan, haut lieu de l'opposition à l'ancien régime, il estime que "manifestement, le scénario a été écrit par l'Ouest".
"Je suis né sous l'URSS"
À l’instar de Yura, des habitants de Torez reprochent au président déchu Viktor Ianoukovitch, dont le fils contrôlait plusieurs mines, d'avoir accéléré le déclin de la région, mais ils ne soutiennent pas pour autant la révolte qui a mené à son éviction.
Galina Pelagey, propriétaire de kiosque, dit ne pas comprendre pourquoi "ces gens" ont occupé la place Maïdan. Pourtant, Galina a elle-même organisé des manifestations contre la corruption des politiciens locaux. "Bien sûr, les gens doivent protester et exprimer leurs opinions sur la corruption omniprésente, mais tout cela a été exploité par ceux qui voulaient juste prendre le pouvoir", estime-t-elle. Elle reste persuadée que le nouveau gouvernement ukrainien pro-occidental n'apportera rien de bon à la région.
Son fils, qui travail à la mine, abonde "Je suis né sous l'URSS et bien sûr je soutiens la Russie, confie Stanislav Pelagey. Mais ce qui va arriver après n'est pas clair, la seule chose dont je sois sûr, c'est que l'on ne peut rien attendre de bons des Américains."
Toutefois, à Torez certains restent très attachés à l’unité de l’Ukraine. " Je ne comprends pas les gens qui veulent un référendum pour rejoindre la Russie. Pourquoi ? Nous avons un pays uni, pas besoin de le diviser", argumente un routier. Il affirme qu'il rejoindra un mouvement de résistance armé si la Russie envahit "l'Ukraine de l'Est". À Torez, il aurait peu de soutien.