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Procès Simbikangwa : la parole à l'accusation, qui parle de "crime de génocide"

L'accusation devrait requérir une lourde peine, mercredi, contre Pascal Simbikangwa, premier rwandais poursuivi pour complicité de génocide en France. Selon l'avocat général "Celui qui fait commettre n'est pas un complice mais bien un auteur".

Le procès de Pascal Simbikangwa est cette semaine dans sa dernière ligne droite et mercredi 12 mars la parole est l'accusation. Elle devrait requérir une lourde peine à l'encontre de l'ancien capitaine, après avoir demandé la requalification des poursuites en génocide, alors qu'il était entré dans le box pour complicité.

Dans les faits, l’ancien militaire de la garde présidentielle, devenu agent du renseignement après qu’un accident de la route l’eut définitivement cloué dans un

fauteuil roulant, est accusé d'avoir incité, organisé et aidé les massacres, qui firent quelque 800 000 morts en 100 jours, entre avril et juillet 1994.

Après cinq semaines d'audience, l'avocat général Bruno Sturlese avait demandé qu'une question subsidiaire en ce sens soit posée au jury, estimant que "les débats ont montré que monsieur Simbikangwa ne s'est pas rendu coupable de complicité de génocide mais bien de crime de génocide". "Celui qui fait commettre n'est pas un complice mais bien un auteur."

Sa demande a été acceptée par le président Olivier Leurent, et si la cour décide que l'accusé est coupable, elle pourra donc choisir génocide et/ou crimes contre l'humanité ou complicité de l'un et/ou l'autre.

Un procès symbolique

Si la peine encourue est la perpétuité dans tous les cas, l'affaire est plus que symbolique. Le procès du capitaine Simbikangwa est en effet historique à plusieurs titres. Il est le tout premier organisé en France, que Kigali accuse d'avoir soutenu le régime génocidaire hutu et protégé ses responsables, et son verdict tombera à quelques semaines des commémorations des 20 ans du génocide.

Bruno Sturlese et Aurélia Devos, vice-procureur et chef du pôle crimes contre l'humanité créé à Paris en 2012, vont donc se relayer toute la journée pour convaincre le jury chargé de juger des faits qui se sont produits il y a 20 ans dans un petit pays d'Afrique à 6 000 kilomètres.

Lundi et mardi, les avocats de cinq ONG parties civiles - il n'y a pas de victimes directes parties au procès - ont commencé ce travail, s'attachant notamment à démolir l'image que l'accusé veut projeter de lui d'un petit fonctionnaire mis sur la touche et sans pouvoir, mais ayant tout fait pour sauver des connaissances tutsies des massacres.

Un point récurrent du procès est revenu dans toutes leurs plaidoiries, l'affirmation répétée de l'accusé qu'il a traversé les 100 jours au cours desquels 800 000 personnes, principalement des Tutsis, ont été massacrées d'avril à juillet 1994, sans voir un seul mort, même s'il en avait "entendu parler", et de ne s'être rendu compte qu'ensuite de l'ampleur des tueries.

"Bien sûr qu'il les a vus, mais ça fait partie de cette stratégie, de cette logique de déni", a fustigé Simon Foreman, conseil du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) dont la plainte contre Pascal Simbikangwa après son arrestation dans l'île française de Mayotte en 2008 a permis ce procès.

Quant aux Tutsis qu'il a sauvés, ce que personne ne conteste et dont les témoignages ont au demeurant été parmi les plus embarrassants pour l'accusé, "ces actes de sauvetage ne peuvent à aucun moment absoudre monsieur Simbikangwa de ce qu'il a pu commettre par ailleurs et ne sont aucunement contradictoires", a relevé Domitille Philippart, également pour le CPCR.

Jeudi, la parole sera à la défense, qui devrait notamment s'attacher à mettre en cause la fiabilité des témoins, que le capitaine Simbikangwa décrit comme manipulés ou intimidés. Vendredi, les derniers mots seront pour l'accusé, avant les délibérations du jury et le verdict.

Avec AFP