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Un défaut de paiement sans précédent secoue la Chine

Pour la première fois, Pékin a laissé une entreprise faire défaut à l’égard de créanciers chinois. Le régime espère que les investisseurs placeront dorénavant leur argent avec plus de discernement.

Personne ou presque ne connaissait la société Chaori Solar Energy Science & Technology jusqu’à présent. Mais cette entreprise chinoise du secteur photovoltaïque est entrée, vendredi 7 mars, dans l’histoire de son pays. Elle est devenue la première société cotée à faire défaut auprès de ses créanciers chinois.

Elle a été incapable de rembourser l’intégralité des 89,9 millions de yuans (10,5 millions d’euros) d’intérêts sur un prêt d’un milliard de yuan (110 millions d’euros), contracté en 2012. Surtout, le gouvernement a permis à Chaori Solar de faire défaut. Shanghaï, où se trouve le siège social de l’entreprise, ne lui est pas venu en aide et aucune banque n’a sorti son carnet de chèques à la dernière minute pour renflouer les caisses de la société.

Jusqu’à présent, Pékin avait seulement laissé faire faillite des entreprises chinoises cotées à l’étranger, comme Suntech en mars 2013. La chute de ce géant des panneaux solaires avait essentiellement coûté de l’argent à des investisseurs américains.

Le défaut de paiement de Chaori Solar heurte, quant à lui, le portefeuille des Chinois. Une situation qui semblait impossible depuis les débuts de la Bourse en Chine dans les années 1990. La Banque centrale chinoise avait même imposé, en 1997, aux gouvernements régionaux de soutenir financièrement à tout prix les entreprises dans lesquelles elles avaient investi.

Le destin de Chaori Solar marque, pour de nombreux observateurs de l’économie chinoise, un tournant. “Le gouvernement sonne la fin du grand n’importe quoi”, résume Jean-François Dufour, président du cabinet d’étude DCA Chine-Analyse. Depuis plus de cinq ans, Pékin incitait ses ressortissants à placer leur épargne dans le secteur privé, afin de soutenir la croissance des entreprises. Des placements considérés comme sûrs à 100 % : en cas de pépin, le gouvernement volait systématiquement, en sous-main, au secours des investisseurs qui risquaient de perdre leur mise.

Candidat idéal à la faillite

Résultat : “L’économie chinoise est dans un état de surfinancement et de surcapacité de production”, remarque Jean-François Dufour. Les secteurs de la sidérurgie, du charbon et des équipements photovoltaïques sont particulièrement touchés, rappelle ce spécialiste de la Chine, avec des entreprises qui se lancent simplement parce que leurs dirigeants savaient que le financement ne poserait pas problème.

Il y aurait également, d’après une note de la banque Barclays, la nécessité de corriger “l’aléa moral qui fausse le bon fonctionnement du marché chinois”. En clair, les investisseurs ne réfléchissent pas à leur placement car ils savent qu’ils ne courent aucun risque financier.

Mais le défaut de paiement de Chaori Solar ne signifie pas que le marché chinois des actions et obligations échappera totalement au dirigisme de Pékin. Pour Jean-François Dufour, Chaori Solar était un candidat idéal au défaut de paiement. Les montants en jeu sont peu importants et la société était dans un secteur, le photovoltaïque, qui a besoin d’être consolidé.

Les autorités continueront, en revanche, à assurer les arrières des groupes lorsque les montants en jeu seront plus conséquents ou que l’entreprise en péril évoluera dans un secteur considéré comme stratégique, juge Jean-François Dufour. “En janvier 2014 encore, un fonds d’investissement sur le point de faire défaut sur des prêts de 400 millions de dollars (288 millions d’euros) a été sauvé à la dernière seconde par un financement d’origine inconnue mais qu’on soupçonne de venir des autorités publiques”, rappelle cet économiste.

L’épisode Chaori Solar marque certes la fin de l’ère du “zéro risque” pour les investisseurs, mais pour les petites start-up, c’est probablement une mauvaise nouvelle. “On peut penser que l’épargne va dorénavant se porter en priorité sur des grands groupes ou des secteurs stratégiques”, souligne Jean-François Dufour.