
La tension diplomatique est telle entre Paris et Rabat que François Hollande a dû intervenir. Le président français a contacté lundi Mohammed VI pour lui apporter des "clarifications", suite aux plaintes déposées contre un haut responsable marocain.
Rabat ne décolère pas et Paris semble bien embarassé. Tant et si bien que pour faire baisser la tension, François Hollande a dû intervenir en personne. Le président français a contacté, lundi 24 février au soir, le roi Mohammed VI pour lui apporter des "clarifications", notamment au sujet de plaintes pour "complicité de torture" déposées en France contre Abdellatif Hammouchi, patron du contre-espionnage marocain.
Le royaume est en particulier furieux contre la descente effectuée ce jour-là par sept policiers à la résidence de son ambassadeur pour notifier à M. Hammouchi, dont la présence à Paris avait été rapportée, une convocation émanant d'un juge d'instruction. Les autorités marocaines reprochent notamment aux autorités françaises d'avoir ignoré les canaux diplomatiques.
Aussi, le Quai d'Orsay a déjà de son côté tenté d'apaiser la tension samedi, évoquant dans un communiqué, un "incident regrettable" et promettant que "la lumière" serait faite. Une démarche jugée insuffisante par le Maroc qui a en signe de mécontentement a "reporté" une visite de Nicolas Hulot, "envoyé spécial du président français pour la planète", prévue lundi et mardi.
Les propos polémiques de Javier Bardem
Entre-temps, une autre polémique est venue alourdir l'atmosphère: dimanche soir, les autorités marocaines ont vivement dénoncé des propos prêtés à l'ambassadeur de France aux Nations Unies, Gérard Araud, par l'acteur espagnol Javier Bardem, producteur d'un documentaire sur le Sahara occidental et bête noire de Rabat.
Le Maroc est une "maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre", aurait affirmé en 2011 ce diplomate, selon M. Bardem, alors que Paris est un soutien traditionnel du royaume sur le dossier du Sahara, une ex-colonie espagnole contrôlée par Rabat mais revendiquée par des indépendantistes.
Le Quai d'Orsay a catégoriquement démenti, mais le royaume a fustigé des propos "scandaleux et inadmissibles".
La plainte d'un ancien boxeur
Face à ce sérieux coup de froid, François Hollande a téléphoné lundi soir à Mohammed VI, actuellement en tournée africaine, a annoncé le Palais royal. "A la lumière des clarifications apportées (...), les deux chefs d'Etat ont convenu de poursuivre les contacts durant les prochains jours au niveau des deux gouvernements, et d'oeuvrer dans l'esprit des relations d'exception qui lient le Maroc et la France", a ajouté la même source.
Les plaintes "pour complicité de torture" à l'origine de cette crise émanent de l'organisation Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture (Acat). Le Maroc avait immédiatement rejeté les accusations et convoqué l'ambassadeur de France à Rabat.
L'une des deux plaintes a notamment été déposée par l'Acat au nom d'un militant pour l'autodétermination du Sahara occidental, Ennaâma Asfari, condamné en 2013 à 30 ans de prison et qui dit avoir signé des aveux sous la torture.
Dimanche, le dépôt d'une troisième plainte, pour "torture", a en outre été annoncée en France contre le patron du contre-espionnage marocain, par l'avocat d'un ancien sportif, Zakaria Moumni, condamné et détenu pendant 17 mois au Maroc entre 2010 et 2012. Les autorités marocaines n'ont pas officiellement réagi à ce dernier cas.
La relation entre la France et le Maroc est d'ordinaire bien cadrée: Paris est le premier partenaire commercial de Rabat et, en 2012, le volume des échanges a atteint huit milliards d'euros. Les liens humains et culturels sont également nombreux, au même titre que les déplacements de responsables français. François Hollande a effectué une visite d'Etat en avril 2013, quatre mois après la venue du Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Avec AFP