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Le gouvernement allemand fragilisé par un scandale de pédopornographie

Le député allemand Sebastian Edathy est soupçonné d’avoir consulté des images pedopornographiques. Les médias se demandent qui était au courant de l’enquête et si l’élu en avait été informé. Un scandale qui a déjà poussé un ministre à la démission.

Le démantèlement au Canada d’un réseau pédopornographique en novembre 2013 est en train de faire trembler la coalition politique au pouvoir en Allemagne. Alors qu’Angela Merkel assiste mercredi 19 février à un Conseil des ministres franco-allemand à Paris, des discussions se déroulent en haut lieu entre responsables de la CDU (le parti conservateur de la chancelière) et du SPD (les sociaux-démocrates allemands membres du gouvernement). Leur objectif est de parvenir à “rétablir un climat de confiance” à la tête de l’État. Angela Merkel est même entrée dans l’arène en demandant à tous les partis, ministres et services de police impliqués de jouer cartes sur table pour démêler une histoire qui devient tous les jours plus compliquée.

L’affaire débute par la mise en cause d’un député du SPD, Sebastian Edathy. Son nom apparaît dans le cadre d’un vaste coup de filet de la police de Toronto contre un réseau de pédopornographie, entraînant l’arrestation de 384 personnes dans le monde. Elles étaient impliquées dans la diffusion d’images et de films de mineurs âgés de 6 à 14 ans. On ne sait pas - et l’enquête en cours n’a pas encore permis de l’établir - à quel genre de matériel Sebastian Edathy a eu accès, ni dans quelle mesure ce responsable politique était impliqué dans ce réseau. L’accusé affirme n’avoir jamais eu en sa possession de matériel compromettant.

Zones d’ombre

Jusqu’au mois de février 2014, le lien entre ce réseau criminel et l’élu du SPD n’est connu que d’un petit cercle d’hommes politiques et de policiers. Mais le 7 février, Sebastian Edathy démissionne et trois jours plus tard, le SPD annonce que l’élu est soupçonné d’avoir consulté du matériel pédopornographique. L’effet est immédiat : la machine médiatique se met en branle et l’Allemagne assiste, effarée, à la transformation d’une sombre affaire de mœurs en scandale politique majeur.

Le problème est, en effet, de comprendre ce qui s’est produit en coulisses entre novembre 2013 et février 2014. Qui était au courant de l’affaire ? Et, surtout, Sebastian Edathy a-t-il été averti en amont de l’enquête qui le concernait ? Les médias allemands ont, ainsi, révélé plusieurs zones d’ombre : des perquisitions qui ne mènent à rien parce que des disques durs ont été endommagés ou l'élu mis en cause qui dénonce, peu avant une descente de police à son bureau au Bundestag, le vol de son ordinateur portable. Une lettre officielle informant le président de la République de l’ouverture d’une enquête contre le député a également mis cinq jours de trop pour arriver. Le magazine "Spiegel" affirme, en outre, que cette missive a été ouverte avant d’arriver à bon port.

Première crise majeure de la coalition

Cette succession de révélations fait désordre et a déjà coûté son poste au ministre de l’Agriculture, Hans-Peter Friedrich. En novembre 2013, il était encore ministre de l’Intérieur et, à ce titre, savait que le nom de Sebastian Edathy avait été repéré par les autorités canadiennes. En marge des consultations pour la formation du nouveau gouvernement, il en informe le patron du SPD, Sigmar Gabriel. Ce dernier alerte alors le chef du groupe parlementaire des sociaux démocrates, Thomas Oppermann.

Ces discussions ressemblent fort à de la divulgation illégale d’informations sensibles sur une enquête criminelle. Hans-Peter Friedrich décide, le 14 février, de démissionner tout en assurant qu’il n’a rien à se reprocher. Il affirme n’avoir fait état que de soupçons pesant sur Sebastian Edathy, sans entrer dans les détails. Un argument repris par les dirigeants du SPD qui ont simplement reconnu avoir su, dès novembre, que le nom de leur collègue avait été cité dans le cadre du démantèlement du réseau pédopornographique.

Pour Sebastian Edathy, ce scandale ressemble fort à une fin de parcours politique. Cet élu était pourtant considéré comme l’une des étoiles montantes du SPD depuis, notamment, un travail remarqué en tant que chef d’une commission d’enquête sur des crimes racistes. Mais même si l’enquête finit par blanchir ce politicien, son nom est désormais associé à la première crise majeure de la coalition au pouvoir. Le parti social-démocrate réfléchit d’ailleurs à l’exclusion de Sebastian Edathy du mouvement.