
Le roi du Maroc est arrivé mardi soir à Bamako pour une visite de cinq jours au Mali. Il poursuivra ensuite sa tournée en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Mohammed VI multiplie les efforts pour accroître son influence dans la région.
C’est le président malien Ibrahim Boubacar Keita en personne, flanqué de son gouvernement au grand complet, qui a accueilli le roi du Maroc à sa descente d’avion. "Dans les rues de Bamako, pour célébrer l’événement, on voit déjà des portraits géants de Mohammed VI, seul ou avec le président Keita", constatait mardi après-midi le correspondant de Radio France Internationale et de FRANCE 24 sur place, Serge Daniel.
Déjà présent lors de l’investiture d’"IBK" en septembre dernier, "M6" va prendre cette fois le temps d’approfondir ses relations avec les autorités élues pour relever le pays après le conflit qui a divisé le Mali en deux, début 2013.
Le 31 janvier, Mohammed VI a reçu à Rabat le secrétaire général de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), qui prépare des négociations avec Bamako sur le futur du Nord Mali.
"À la demande du Mali, le roi du Maroc a reçu une délégation du MNLA, ce qui fait dire ici que la paix dans le nord du Mali passe également par Rabat – l’Algérie appréciera", rapporte Serge Daniel.
La rencontre a eu lieu alors qu’Alger proposait sa propre médiation pour la stabilisation de son voisin du sud.
Rivalité entre Marocains et Algériens
Les efforts répétés de Mohammed VI pour accroître son influence en Afrique de l’Ouest sont indissociables de la rivalité qui oppose Marocains et Algériens sur la scène internationale.
Les deux pays sont brouillés depuis que l’Algérie a reconnu l’indépendance du Sahara occidental, un territoire que revendique le Maroc. Plus largement, le soutien de l’Union africaine à l’indépendance sahraouie a plongé Rabat dans l’isolement – une situation que Mohammed VI semble décider à retourner.
"Depuis sa précédente visite au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon en mars 2013, le roi redéploie la diplomatie marocaine qui était considérée comme absente du continent depuis que le Maroc s’est retiré de l’Organisation de l’union africaine en 1984", rappelle à FRANCE 24 Ismaïl Régragui, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po.
Il ajoute que Mohammed VI espère convaincre les nouvelles autorités maliennes de renverser le soutien apporté aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, reconnus par Bamako depuis plus de 20 ans.
Les 3 milliards d’euros d’aide internationale promis pour la reconstruction du Mali, tout comme les marchés des autres pays prévus dans la visite ouest-africaine du roi, offrent également des perspectives économiques alléchantes. "À l’image d’Attijariwafa Bank ou de Maroc Télécom, un grand nombre d’entreprises marocaines s’exportent en Afrique", constate Ismaïl Régragui.
Selon lui, la proximité historique du Maroc avec les puissances occidentales, France et États-Unis en tête, explique aussi son regain d’activisme diplomatique – là encore par opposition à l’Algérie, "plus proche de la sphère russo-chinoise".
"Islam modéré et tolérant"
La menace grandissante des conflits liés au radicalisme religieux, qui a poussé la France à intervenir au Mali et en Centrafrique et les Américains à chercher des relais pour intervenir indirectement, fait du Maroc un partenaire incontournable.
Pour Ismaïl Régragui, "l’islam modéré et tolérant" qu’incarne Mohammed VI favorise ce rôle régional grandissant, d’autant plus qu’il est ancré dans une solide tradition historique. "Au Moyen-Âge, l’empire marocain s’étendait jusqu’à Tombouctou et au Sénégal, la confrérie tidjane reconnaît toujours le roi du Maroc comme commandeur des croyants", souligne l’auteur de "La diplomatie publique marocaine : une stratégie de marque religieuse ?".
Outre la coopération classique à l’œuvre notamment dans le domaine de la santé, le Maroc a ainsi pris en charge la formation de plus de 500 imams maliens et propose un programme similaire à la Guinée.
Dans un espace saharo-sahélien destabilisé par les changements d’équilibres et les flux d’armes observés depuis la révolution libyenne de 2011, plusieurs observateurs voient Mohammed VI bien placé pour occuper l’espace laissé vide par celui qui s’était en son temps proclamé "roi des rois d’Afrique" : un certain Mouammar Kadhafi.