
Le Venezuela a annoncé une "mobilisation massive" de toute son armée. © Cristian Hernandez, AP
Le Venezuela a entamé "une mobilisation massive" de ses forces armées. La décision, annoncée par le ministre de la Défense, Padrino Lopez, mardi 11 novembre, intervient peu après l’arrivée dans la région des Caraïbes du USS Gerald R Ford, le plus imposant des navires de guerre étatsuniens.
L’objectif de Caracas est de placer "l’ensemble des forces armées du pays en état de préparation opérationnelle totale", a assuré Padrino Lopez. Ces préparations concernent aussi bien l’infanterie, l’armée de l’air, la marine ou encore l’arsenal balistique, a précisé le gouvernement de Nicolas Maduro.
Vantardises mais pas seulement
Alors certes, "cette annonce relève surtout de la vantardise militaire traditionnelle du pouvoir vénézuélien", assure Rebecca Jarman, spécialiste de l’Amérique latine à l’université qui a écrit sur l’importance de l’armée au Venezuela. Le président Nicolas Maduro a souvent évoqué "la mobilisation" militaire pour faire face à des menaces externes, réelles ou imaginées.
Il n’empêche que l’annonce a été faite par Padrino Lopez, le très influent ministre de la Défense et militaire "qui avait été un temps pressenti pour succéder à Hugo Chavez avant que ce dernier n’opte pour un civil, en l'occurrence Nicolas Maduro", souligne Rebecca Jarman. Les déclarations de cet homme fort du régime ne sont donc pas à prendre à la légère car "le vrai pouvoir réside entre les mains de militaires comme lui au Venezuela", ajoute cette spécialiste.
Surtout, l’appel à la "mobilisation massive" intervient alors que le président des États-Unis, Donald Trump, grimpe à vitesse grand V l’échelle de l’escalade des tensions. Avant l’envoi de l’USS Gerald R. Ford, la Maison Blanche a réactivé une base militaire à Porto Rico, a fait venir un destroyer depuis le Moyen-Orient et multiplie les frappes contre des bateaux qualifiés par Washington de transport de drogue.
Si la puissance militaire sans égal ou presque des États-Unis est bien connue - avec son budget de la Défense de 895 milliards de dollars en 2025 - la force réelle de l’armée vénézuélienne l'est bien moins.
Sur le papier, "l’armée vénézuélienne est puissante au niveau régional, mais beaucoup moins imposante comparée à d’autres puissances sur la scène mondiale", estime Rebecca Jarman. Plus précisément, "le Venezuela se trouve en 2025 à la 51e place du classement annuel du site Global Fire Power [souvent repris dans les médias, NDLR], c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’une puissance militaire de premier plan", ajoute Amalendu Misra, spécialiste des questions de sécurité en Amérique latine à l’université de Lancaster.
L'inconnue des milices bolivariennes
Nicolas Maduro se targue souvent de pouvoir mobiliser des millions d’hommes pour défendre la patrie. De quoi faire peur à Washington et ses 453 000 soldats actifs dans l’armée de terre ? En réalité, l’armée vénézuélienne compte environ 123 000 soldats actifs, souligne le site Defense Feeds. Elle peut, en outre, compter sur un peu plus de 300 000 réservistes contre presque 500 000 pour les États-Unis.
Ce décompte ne prend cependant pas en considération les "milices bolivariennes", établies en 2008 par Hugo Chavez comme une branche officielle de l’armée. Difficile d’évaluer le nombre exact de ces miliciens que "Nicolas Maduro utilise comme atout maître dans sa rhétorique officielle autour de la défense de son pays", souligne Amalendu Misra, qui estime qu’ils doivent être au moins un million.
Pour afficher ce contenu YouTube, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixUne extension de votre navigateur semble bloquer le chargement du lecteur vidéo. Pour pouvoir regarder ce contenu, vous devez la désactiver ou la désinstaller.
Réessayer
"Ces milices sont utilisées à la fois pour des opérations de maintien de l’ordre et pour défendre les frontières", ajoute Rebecca Jarman. Nicolas Maduro s'en est aussi servi pour réprimer les manifestations d'opposition.
"Même s’il est probable que tous les miliciens ne répondent pas à l’appel des autorités pour se battre contre les États-Unis si besoin, cela en fait une force armée à ne pas négliger pour toute opération au sol", résume Amalendu Misra.
"Difficile de dire si l’infanterie représente, grâce à ses effectifs, le point fort de l’armée vénézuélienne ou si c’est l’armée de l’air", note Rebecca Jarman. Hugo Chavez avait été, lui-même, parachutiste et avait mis l’accent sur l’aviation. Le Venezuela dispose de quelques F-16 Américains vieillissants, mais il a surtout des dizaines de Soukhoï Su-MK30 russes qui "sont aisément les chasseurs les plus sophisitiqués du nord de l’Amérique du Sud", souligne le site Defense Feed.
Cela n’en fait pas un adversaire de taille pour l’aviation étatsunienne. Mais une éventuelle bataille de l’air ne serait pas qu’une promenade de santé pour les États-Unis, surtout que le Venezuela a passé des années à développer son système de défense anti-aérienne.
L’armée dispose aussi de quelques véhicules blindés, comme des chars russes ou quelques modèles vieillissants français (char AMX-30, AMX-13) issus des années 1960 et 1970.
La guérilla comme seule option ?
Cet inventaire ne tient pas compte "du fait que l’armée vénézuélienne n’a aucune vraie expérience de terrain, ce qui fait qu’on ne sait absolument pas à quel point elle peut être efficace en conditions réelles de combat", souligne Amalendu Misra.
Les sanctions internationales limitent probablement la capacité du Venezuela à se battre efficacement. "Le pays n’a probablement pas les moyens de faire des stocks conséquents de pièces détachées pour réparer tout matériel défectueux ou endommagés", estime cet expert.
Pour afficher ce contenu YouTube, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixUne extension de votre navigateur semble bloquer le chargement du lecteur vidéo. Pour pouvoir regarder ce contenu, vous devez la désactiver ou la désinstaller.
Réessayer
Si un conflit armé venait à éclater avec les États-Unis, les experts interrogés estiment que seule la guérilla pourrait poser problème à une armée d’invasion étatsunienne. "C’est seulement dans ce domaine que les forces armées, et notamment les milices bolivariennes, ont une certaine expérience de terrain puisqu’elles ont dû les appliquer face à l’explosion ces 20 dernières années de la criminalité urbaine liée, entre autres, au narcotrafic", assure Rebecca Jarman. "Elles ont l’avantage du terrain et de la géographie, surtout si le Venezuela peut entraîner les combats dans les régions montagneuses", ajoute Amalendu Misra.
Le Venezuela se retrouverait probablement isolé face à une attaque des États-Unis. Ses alliés traditionnels - la Chine, l’Iran ou encore la Russie - "sont trop loin pour apporter un soutien et ne veulent probablement pas d’affrontement direct avec les États-Unis", considère Amalendu Misra. Les autres pays de la région ne voudraient probablement pas intervenir non plus "car le Venezuela a ce statut de paria à éviter", note Rebecca Jarman.
Un affrontement avec les États-Unis représenterait donc une guerre perdue d’avance. Mais entre l’armée de l’air et la capacité de harceler les forces américaines avec des techniques de guérilla "ce ne serait sans doute pas aussi facile que les États-Unis veulent le croire", conclut Rebecca Jarman.
