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Le patronat repart en croisade contre les intermittents

Nouvel échange d’amabilités entre le patronat, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et les intermittents du spectacle. La proposition du Medef de mettre un terme au régime des intermittents a remis le feu aux poudres.

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures polémiques. Le Medef pouvait difficilement l’ignorer en proposant, jeudi 13 février, la fin du régime des intermittents du spectacle. Une vieille revendication patronale qui n’a pas manqué de faire des remous.

Une pétition en ligne, appelant à supprimer le Medef, a dépassé la barre des 15 000 signatures, mardi 18 février. Cette initiative était pourtant “avant tout humoristique”, souligne Romain Cazeaux, à l'origine de l'initiative et intermittent du spectacle. Surpris par le succès inattendu de la pétition qui avait déjà receuillie plus de 1000 signatures le 14 février, il s'est fendu d'un “vous êtes fous, camarades”. Romain Cazeaux s’étonnait ainsi qu’autant de personnes aient pu prendre au sérieux “quelque chose d’un peu ridicule [supprimer le syndicat du patronat] visant à mettre en exergue une proposition un peu ridicule du Medef”.

La provocation du patronat a également été très prise au sérieux par la ministre de la Culture. Aurélie Filippetti, a ainsi fustigé, dans une interview accordée au “Parisien” dimanche 16 février, “l’attitude aggressive et scandaleuse du Medef” qui voudrait ainsi “tuer la culture”.

Quelle mouche a donc piqué le Medef pour aller déterrer un sujet aussi sensible ? En 2003, la dernière réforme du statut des intermittents du spectacle avait soulevé un vent de révolte dans la profession. Mais à l’heure où les autorités chassent les économies tous azimuts pour trouver 50 milliards d’euros, les intermittents du spectacle sont une cible de choix pour le patronat. Le Medef peut, en effet, s’abriter derrière la Cour des comptes qui fustige depuis plusieurs années le coût de ce statut permettant aux travailleurs précaires du monde de la culture d’être mieux indemnisés que les chômeurs des autres secteurs d’activité. En novembre 2013, l’institution jugeait encore que le régime des intermittents était déficitaire d’environ un milliard d’euros et ouvrait la porte à trop d’abus.

Medef, “permittents” même combat ?

Mais pour le Medef, la disparition de ce statut aurait un autre avantage. “Leur but n’est pas de tuer la culture mais de faire baisser les charges qui pèsent sur l’entreprise”, explique à FRANCE 24 Dominique Sagot-Duvauroux, économiste spécialiste du secteur de la culture à l’université d’Angers. Les fonds de la caisse d’indemnisation des intermittents, comme tous les régimes d’allocation chômage, proviennent des cotisations des salariés.

Cet expert reconnaît, cependant, que la quête patronale du “toujours moins de charges” risque de “fragiliser considérablement des pans entiers de la culture” si elle aboutissait à la suppression du régime des intermittents. “C’est un système qui, dans le monde de la culture, a un sens économique évident”, souligne Dominique Sagot-Duvauroux. C’est un secteur à projets ponctuels, gros consommateur d’une main d’œuvre qui doit être à la fois flexible et mobile. En ce sens, le statut qui régit les intermittents peut difficilement être comparé au régime général du chômage. “C’est davantage une subvention à l’emploi précaire [qu’une allocation chômage, NDLR] et l’expression de la solidarité de la société avec la politique culturelle”, note Dominique Sagot-Duvauroux. Pour lui, la plupart des activités de spectacles vivants auraient ainsi du mal à survivre sans l’intermittence.

Mais le Medef n’est pas la seule menace qui pèse sur le régime. Il y a aussi les abus au système. Les “permittents” - des travailleurs à temps plein ou presque qui bénéficient pourtant de ce régime protecteur - sont les principales cibles de la Cour des comptes. Dominique Sagot-Duvauroux reconnaît que c’est un problème qui peut s’avérer mortel. “Ces abus ne coûtent pas si cher, mais ils sont destructeurs en terme d’image auprès du grand public”, souligne cet économiste. Ces “profiteurs” sont donc, en un sens, les meilleurs alliés de la croisade "anti-intermittent" du Medef.