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L'Allemagne veut lutter contre la piraterie dans le golfe d'Aden et élargir les compétences de la Bundeswehr dans le secteur. Mais pour mener à bien ce projet, les autorités doivent surmonter de nombreux obstacles juridiques .

"Garder son calme et réagir avec prudence": c'est le seul conseil que peut donner Niels Stolberg, le patron de la compagnie maritime allemande Beluga Shipping, à ses équipages en partance pour le golfe d'Aden. L'un des cargos de sa flotte, le BBC Trinidad, a été enlevé au large de la côte somalienne en août 2008. Après plusieurs semaines de négociation, les treize membres de l'équipage ont été libérés contre une rançon de plus d'un million d'euros.

Depuis, Niels Stolberg plaide pour que la communauté internationale envoie plus de navires de guerre dans la région et luttent activement contre les pirates, pour que ses navires traversent le golfe d'Aden sans craindre de se faire aborder par des criminels.

Un pas sera fait en ce sens le 8 décembre, date à laquelle sera lancée l'"opération Atlanta", une mission européenne de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes. En vue d'une participation active à cette opération, Berlin prépare un élargissement des compétences de la marine allemande et compte envoyer un contingent de 1 400 soldats dans le secteur, ainsi que deux frégates qui se relaieront pour lutter contre le banditisme de haute mer.

Du fil à retordre pour les juristes

La Bundeswehr est déjà présente dans la région, mais jusqu'à ce jour, les soldats de la marine allemande n'ont le droit d'intervenir qu'en cas d'urgence et ils ne peuvent ouvrir le feu qu'en cas de légitime défense. Le nouveau mandat que prépare Berlin étendrait considérablement ces compétences et permettrait à la marine de lutter activement contre la piraterie en se postant à bord des bateaux à risque par exemple. Mais les détails pratiques de cette mission donne du fil à retordre aux juristes.

Berlin souhaite que les soldats allemands puissent procéder à des arrestations, une mission qui relève de la police. En Allemagne, explique Ottfried Nassauer, journaliste allemand spécialiste des questions de sécurité, "il y a une séparation très claire entre les forces de police et les forces de l'armée. Les premières sont sous le contrôle des régions, les secondes sous le contrôle de l'Etat. Une séparation ancrée dans la Constitution après la Seconde Guerre mondiale, pour éviter les concentrations de pouvoir comme sous le troisième Reich et qu'il faudrait, selon lui, abroger pour permettre aux soldats de chasser le pirate.

Créer un corridor militaire

Pour Ottfried Nassauer, l'Allemagne est face à un dilemne : changer la mission de l'armée pour lutter contre la piraterie et mettre en jeu les principes fondamentaux de la Constitution ou se contenter de jouer un rôle mineur dans le golfe d'Aden alors que la présence des grandes puissances militaires y est de plus en plus forte.

Pour Niels Stolberg, le patron de Beluga Shipping et du BBC Trinidad, le moyen le plus simple de protéger les cargos des pirates serait de créer un corridor militaire: "L'idéal serait que soit organisé deux fois par jour un convoi protégé militairement, les navires pourraient se retrouver à un point de rencontre dans l'ouest du golf pour aller vers l'est et inversement."

La décision finale sur le nouveau mandat de la Bundeswehr et son étendue est attendue le 3 décembre.