![Super Bowl : Richard Sherman, le joueur que les Américains adorent détester Super Bowl : Richard Sherman, le joueur que les Américains adorent détester](/data/posts/2022/07/19/1658199714_Super-Bowl-Richard-Sherman-le-joueur-que-les-Americains-adorent-detester.jpg)
La finale du Super Bowl se joue dimanche entre Denver et Seattle. Et un joueur monopolise l'attention des médias : Richard Sherman. Connu pour son franc parler, il est devenu un phénomène de société et a ravivé le débat sur le racisme dans le sport.
Richard Sherman. Depuis le 19 janvier dernier, ce nom fait la une des médias aux États-Unis. En l’espace d’un match, le cornerback de l’équipe des Seahawks de Seattle est devenu la nouvelle vedette du championnat de football américain. Grâce à une magnifique déviation en toute fin de rencontre face aux 49ers de San Francisco, ce défenseur a propulsé son équipe en finale du Super Bowl, qui aura lieu dimanche 2 février à New York face aux Broncos de Denver.
Mais c’est surtout son comportement sur et en dehors du terrain qui fait aujourd’hui couler beaucoup d’encre. Après son sauvetage à la dernière minute, Richard Sherman a célébré la victoire de Seattle en narguant l’équipe adverse à coup de tapes dans le dos et d’une simulation d’étranglement. Quelques minutes plus tard, devant les téléspectateurs médusés, il s’en est également pris verbalement au receveur de San Francisco, Michael Crabtree. "Eh bien je suis le meilleur cornerback du match ! Quand vous me testez avec un pauvre receveur comme Crabtree, c’est le résultat que vous obtenez ! Ne parlez plus jamais de moi !, a-t-il hurlé au micro d’une journaliste américaine, les yeux exorbités. Crabtree ! N’ouvre plus la bouche pour parler de moi ! Ou alors je vais te la fermer rapidement !".
Depuis cette intervention plutôt musclée, l’Amérique se divise entre les pros et les anti-Sherman. À quelques jours de la finale, Barack Obama a même été interrogé à ce sujet. "C’est un super cornerback, qui a fait un très bon match et qui a gagné la rencontre pour les Seahawks", a seulement répondu le président américain, tout en reconnaissant que le joueur avait "réussi à attirer l’attention".
"Je ne suis pas un voyou"
Mais sur les réseaux sociaux, le footballeur américain, âgé de 25 ans, a dû faire face à des remarques bien moins élogieuses. Avec ses dreadlocks, il a notamment été traité de "voyou" ou de "singe". Comme le rapporte le "Washington Post", la page facebook de son association consacrée aux enfants a aussi été l’objet de nombreuses insultes. Ulcéré, Richard Sherman s’est défendu d’être un mauvais garçon : "Je connais de vrais voyous, et ils savent que je suis loin d’en être un. Je me suis battu contre ça toute ma vie à cause de l’endroit d’où je viens. Un gars qui vient de Compton ou Watts, ils pensent juste que c’est un voyou. C’est un gangster".
Même s’il a grandi dans le quartier difficile de Compton, dans la banlieue de Los Angeles, connu pour ses problèmes de gang, la star de la NFL n’a pas de passé de criminel. Grâce à ses talents sportifs, ce fils d’un père éboueur et d’une mère enseignante a réussi à ne pas tomber dans le piège de la délinquance. Très intelligent, il a également intégré la prestigieuse université de Stanford avec d’excellents résultats scolaires. Une tête bien pleine dans un corps d’athlète. "Je me rappelle avoir lu l’Illiade et avoir adoré. On pourrait penser qu’un joueur de foot est à mille lieux de pouvoir apprécier de la poésie grecque sur la Guerre de Troie, mais mes parents m’ont donné cet excellent conseil lorsque j’étais plus jeune : on peut apprendre tant de choses sur soi si l’on est prêt à sortir de sa zone de confort", avait-t-il ainsi expliqué dans un portrait publié en 2013 dans le magazine "Sports Illustrated".
Un fond de racisme ?
Malgré ces paroles bien sages, le footballeur a surtout fait parler de lui ces derniers mois avec ces petites phrases polémiques. À la manière de son idole Mohamed Ali, Richard Sherman est un adepte du "trash talking". Il ne perd pas une occasion de "chambrer" ses adversaires, même en plein match. En 2012, il s’était déjà rendu célèbre en ridiculisant sur le terrain Tom Brady, le quaterback des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, véritable légende aux États-Unis. Une attitude qui est loin de plaire à tous les journalistes. Sur le site de CNN, le spécialiste du football américain, Terence Moore, a jugé que "le personnage de Sherman était dangereux, ainsi que les gens qui l’entourent et sa langue bien pendue".
Pour d’autres médias, ces attaques ne sont ni plus ni moins que du racisme. "Nous aimons penser que nous vivons dans une société américaine post-raciale, mais il est difficile de ne pas se rendre compte de la disparité de traitement entre Sherman et des athlètes blancs qui osent parler haut et fort", note ainsi le magazine "Bloomberg". Le "Miami New Times" a également pris la défense de cet athlète : "Les ignorants pensent automatiquement qu’un Afro-Américain qui célèbre ostensiblement ses actions n’est pas très différent d’un criminel qui vole des voitures ou vend de la drogue. Sherman est l’un des sportifs afro-américains les plus intelligents dans un sport de gladiateur. Il a gagné le droit de ne plus être traité de voyou". La balle est désormais dans le camp de Richard Sherman. S’il remporte le Super Bowl dimanche contre les Denvers de Broncos, le cornerback de Seattle aura les moyens de faire taire les critiques.