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La banque centrale allemande a émis, lundi, l’idée qu’une taxe sur les plus fortunés pouvait aider à éviter la faillite d’un État. Une proposition qui tranche avec l’orthodoxie défendue par la Bundesbank mais qui n’est pas sans arrière-pensée.

Les riches doivent être taxés pour sauver la nation en péril. Ce n’est pas le dernier slogan du mouvement "Occupy Wall Street", mais une idée de la très puissante Bundesbank. L’influente banque centrale allemande a, en effet, détaillé cette “petite révolution”, d’après le quotidien “Les Échos”, dans son rapport mensuel d’activité, rendu public lundi 27 janvier.

Attention, il ne s’agit pas de plaider pour un impôt sur la fortune généralisé à travers l’Europe. Les grands argentiers allemands se gardent bien de pousser le bouchon aussi loin. Leur idée est de ponctionner les grandes fortunes d’un pays européen uniquement lorsque l’État est au bord de la faillite et si les “autres mesures” de redressement des comptes publics n’ont rien donné.

La Bundesbank ne s’est donc pas transformé en Robin des bois moderne. N’empêche que cette proposition rompt avec la traditionnelle orthodoxie budgétaire de cette institution, pour qui une bonne réduction des déficits passe par une baisse des dépenses publiques. Le rapport de la banque centrale assure, ainsi, qu’une telle taxation des patrimoines privées peut être “la solution la plus efficace” pour remplir rapidement les caisses d’un État en difficulté.

Encore faut-il y mettre les formes. La Bundesbank a donc mis en place un véritable petit guide pour qui voudrait taxer ses riches. Un tel impôt devrait, absolument, être “unique” dans le temps afin de ne pas effrayer les marchés. Il doit viser en priorité les patrimoines constitués dans le passé, c’est-à-dire ponctionner plutôt les rentiers que les entrepreneurs à succès. Enfin, la mise en place de l’impôt doit être rapide pour éviter la fuite des capitaux.

Les riches grecs plutôt que les pauvres allemands

La proposition de la Bundesbank ressemble, en fait, à celle avancée il y a quelques mois par le FMI, une autre institution très à cheval sur l’orthodoxie budgétaire. L’organisation internationale, présidée par la française Christine Lagarde, avait évoqué, en octobre 2013, une “taxe unique” sur les patrimoines privés comme “une méthode parmi d’autres pour réduire les déficits”.

Mais dans le cas de la Bundesbank, des considérations germano-allemandes entrent également en ligne de compte. L’idée de la banque centrale serait, en fait, de “faire passer une taxe sur les grandes fortunes d’un pays en difficulté avant de demander un soutien financier à d’autres États de la zone euro”, souligne le quotidien conservateur allemande “Frankfurter Allgemeine”. L’Allemagne a, en effet, été longtemps agité par un débat sur l’opportunité d’aider financièrement la Grèce alors que pour une partie de la population, Berlin n’avait pas à payer pour les erreurs d’Athènes. En ce sens, la mesure proposée par la Bundesbank viserait donc plutôt à protéger les contribuables des pays européens les plus riches.

Surtout, on peut se poser des questions sur le timing de cette proposition. Dans son rapport, la banque centrale allemande se réjouit, en effet, des réformes menées dans la plupart des pays financièrement fragiles (Grèce, Portugal, Irlande etc.) qui ont éloigné le spectre de la faillite d’un État de la zone euro. Les esprits chagrins pourront se demander pourquoi la Bundesbank, qui a une influence certaine sur la politique monétaire européenne, a attendu aussi longtemps pour dégainer sa proposition choc qui aurait pu adoucir l’impact des politiques d’austérité menées dans plusieurs pays.