La communauté internationale est réunie en Suisse au chevet de la Syrie et tente de convaincre régime et opposition de s’accorder sur une sortie de crise. De leur côté, les réfugiés syriens peinent à croire en une solution.
"Après près de trois années douloureuses de conflit et de souffrances en Syrie, aujourd'hui est une journée d'espoir, fragile mais réel. […] Tous les Syriens ont le regard tourné vers nous aujourd’hui", a déclaré, mercredi 22 janvier, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, en ouverture de Genève-2, la conférence de paix sur la Syrie. Si la majorité des Syriens observent avec attention ce sommet censé accoucher d’une ébauche de solution politique, qui mettrait fin aux violences qui durent depuis plus de trois ans, tous ne partagent pas le même optimisme de Ban Ki-moon.
C’est le cas notamment des réfugiés, dont beaucoup nourrissent peu d’espoir de rentrer un jour chez eux. Le conflit, qui a tué plus de 130 000 personnes, a jeté sur les routes plus d’un tiers de la population. Plus de 2,5 millions de Syriens ont quitté leur pays et ont trouvé refuge, en majorité, dans les pays limitrophes. Et six millions d’autres ont été déplacés à l’intérieur du pays. Les équipes de FRANCE 24 ont pu rencontrer des Syriens, qui ont fuit les violences et sont venus trouver refuge en Tunisie ou en France.
"Ils ne vont pas pouvoir résoudre les problèmes avec cette conférence"
En Tunisie, seuls 160 réfugiés syriens se sont inscrits auprès du Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR), mais plusieurs milliers de Syriens s’y trouveraient aujourd’hui. La majorité d’entre eux entre illégalement par la frontière algérienne, ce qui explique l’absence de chiffres précis sur leur nombre. Alger n’exige pas de visa aux ressortissants Syriens, mais ne leur permet de rester que quelques mois. Nombreux sont ceux qui franchissent ensuite la frontière vers la Tunisie. Le passage coûte une centaine d'euros par personne.
Hamida* est l’une d'elles. Elle est arrivée à Tunis il y a dix mois avec ses enfants. Elle est très sceptique quant à la conférence de paix. "Ils ne vont pas réussir à sécuriser le pays, c'est encore trop tôt. Ils ne vont pas pouvoir résoudre les problèmes avec cette conférence. La situation dans notre pays est très complexe", explique la femme qui a laissé son époux en Syrie et a mendié aux portes des mosquées pour nourrir sa famille. Elle gagne 5 à 30 euros par jour et en envoie une partie à sa famille restée sur place.
Pour les Syriens de Paris également, l’espoir est mince. Au Bistrot syrien, où ils ont l’habitude de se retrouver, les conversations vont bon train. Ici, tout le monde est opposé au régime de Bachar al-Assad et la conférence de Genève-2 est sur toutes les lèvres. "Ils brassent de l'air ", déplore un homme d’une quarantaine d’années. "On se souvient encore du moment où Barack Obama a menacé Bachar al-Assad en 2012, ce n’était que des mots", rappelle-t-il. "Maintenant nous attendons que les nations impliquées dans le conflit prennent véritablement les choses en main", explique-t-il.
À Genève, on parle de pouvoir, pas d’êtres humains
Pour sa part, Taysser al-Karim n’attend plus rien. Le jeune médecin est arrivé en France il y a tout juste une quinzaine de jours, laissant derrière lui, en Syrie, son épouse et sa fille, âgée de 10 mois.
Là-bas, il exerçait son métier dans les hôpitaux de l’opposition et dans les camps de réfugiés. Arrêté et torturé dans les prisons du régime, il a été contraint de prendre la fuite. "On a une vie, on a des amis, des proches, une famille, des rêves, un avenir... Et ils sont capables de tout détruire en moins d'une minute", raconte-t-il aux journalistes de FRANCE 24, la gorge serrée.
Pour lui, la conférence de Genève-2 ne changera pas son quotidien ni celui du peuple syrien : "Plus de 100 000 Syriens ont été tués, plus de100 000 ont été emprisonnés, un million a tout perdu, et à Genève, on parle encore de pouvoir mais rien de ce qui concerne ces êtres humains".
* Pour des raisons de sécurité le nom a été modifié