
Condamné à perpétuité pour un hold-up en 1975, Philippe El Shennawy, l’un des plus anciens détenus de France, a obtenu sa liberté conditionnelle et devra porter un bracelet électronique pendant deux ans. Il sortira de prison vendredi.
Les directeurs de prison le surnommaient "le détenu perpétuel". Philippe El Shennawy, 59 ans dont 38 passés en détention pour le braquage spectaculaire d’une banque en 1975, a finalement obtenu sa libération conditionnelle mercredi 22 janvier. Celui qui faisait partie des plus vieux prisonniers de France devra porter un bracelet électronique pendant deux ans.
Philippe El Shennawy a tout connu de "l'enfer carcéral" : vingt ans à l'isolement, six années en internement psychiatrique, une tentative de suicide, 34 jours de grève de la faim, et deux évasions en 1997 et 2004. Fin mars 2013, il avait bénéficié d'une grâce présidentielle partielle, François Hollande annulant sa période de sûreté de trois ans. C'est cette décision du chef de l'État qui a ouvert la voie à sa remise en liberté.
"L'affaire de la rue de Breteuil"
En 1975, il n’a que 20 ans lorsqu’il est arrêté avec son ami Taleb Hadjadj pour "l'affaire de la rue de Breteuil". Ils viennent de dérober 6 millions de francs dans une agence de la banque CIC après une prise d'otage. L'argent n'est jamais retrouvé.
Personne n’est tué mais les deux hommes nient leur participation au vol. Pourtant, Philippe El Shennawy et son complice sont condamnés à la prison à la perpétuité. Ce dernier n’a pas supporté la détention et s'est suicidé au bout de cinq ans de prison au quartier disciplinaire de Saint-Maur.
Réputé "dur à cuire" et "rebelle", El Shennawy est très vite catalogué "détenu particulièrement signalé". Il agace l'administration pénitentiaire parce qu'il "s'élève contre l'injustice", selon l'une de ses avocates, Maud Marian. "Un être humain est libre dans sa tête, même en prison, tant qu'il reste debout et qu'il conserve la capacité de dire non et de réagir à ce qui est injuste", disait-il en décembre 2012, interrogé par le "Journal du dimanche" peu après avoir tenté de mettre fin à ses jours.
Il s'intéresse aux droits des détenus
L'homme dérange. "Il n'est pas du tout aimé par les pénitentiaires, car c'est un monsieur qui malgré le fait qu'il soit derrière les barreaux demande que ses droits soient respectés", affirme Martine, son épouse, dans une interview au site Confidentielles. Pour Me Marian, "c'est quelqu'un d'une grande intelligence". En prison, cet amateur d'art et de musique classique, issu de la bourgeoisie égyptienne, cumule les diplômes : plusieurs baccalauréats, deux CAP, une maîtrise d'histoire sur le haut Moyen-Age...
En détention, Philippe El Shennawy fait de la peinture, joue aux échecs, pratique la sophrologie. Il a fait du sport également, notamment des sports de combat, du théâtre aussi, et participe au journal interne de la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), où il était incarcéré jusqu'ici.
Ses activités ne s’arrêtent pas là. Président d'honneur de l'association Ban public, il s'intéresse particulièrement aux droits des détenus et devient, "par la force des choses", une figure emblématique de la condition des longues peines. "Je ne peux pas rester indifférent au sort des autres, à plus forte raison quand on a partagé et vécu cette existence de maudit", dit-il.
Père d’un "bébé-parloir" conçu lors d’une visite en prison et désormais grand-père, Philippe El Shennawy pourra être libéré à partir de vendredi matin, dès l'expiration du délai d'appel suspensif du parquet, qui est de vingt-quatre heures.
Avec AFP et Reuters