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Genève-2 : les désaccords s'affichent d'emblée sur le futur rôle d'Assad

Après trois ans d'un mouvement de contestation qui a tourné à la guerre civile, des représentants de Damas et de l'opposition en exil se sont fait face pour la première fois mercredi à Montreux. D'emblée, ils ont affiché leurs désaccords.

Des vues qui semblent irréconciliables. C'est ce qui apparaît près de trois heures après le début de la conférence de paix sur la Syrie dite Genève-2, censée œuvrer à une solution politique à la crise syrienne. Une quarantaine de pays ainsi que les représentants du régime de Damas et de l'opposition syrienne se retrouvent en effet en Suisse jusqu'au 25 janvier, sous l'égide de l'ONU, pour tenter d'avancer vers une solution politique dans le conflit syrien qui, depuis mars 2011, a fait plus de 130 000 morts.

En ouvrant le sommet, Ban Ki-moon a qualifié d’espoir l’opportunité qui s’offre au Syriens. "Tous les Syriens ont les regards tournés vers vous aujourd'hui", a-t-il rappelé aux deux délégations syriennes, qui se faisaient face. "Vous les représentants de l'opposition et du gouvernement syrien, vous avez une énorme opportunité et une responsabilité envers le peuple syrien", a souligné le secrétaire général de l’ONU.

Des positions diamétralement opposées

Rapidement cependant, les désaccords entre les différentes parties, qu’il a d’ailleurs été difficile de convaincre de venir à la table des négociations, sont apparus. Sans détour, le secrétaire d'État américain John Kerry a ainsi abordé d'emblée la question du rôle que pourrait jouer Bachar al-Assad dans une éventuelle transition, pomme de discorde entre les deux camps. Il a été catégorique : "Il est inimaginable qu'Assad, qui a mené une telle violence contre son propre peuple, puisse conserver la légitimité pour gouverner".

C'est également ce qu'a demandé l'opposition syrienne par la voix d'Ahmad Jarba. Le président de la Coalition nationale syrienne (CNS) a souligné avec insistance les principes du communiqué final de la première conférence de Genève qui s’était tenue en juin 2012 en l’absence de délégation du régime syrien. Genève-1 stipulait la nécessité de former un gouvernement de transition qui aurait les pleins pouvoirs exécutifs. "Évoquer le fait que Assad puisse rester est contre les principes de Genève-1, nous ne sommes donc pas là pour cela ", a martelé Ahmed Jarba.

Mais la délégation envoyée par le régime syrien est loin de l’entendre ainsi. "Personne à part le peuple syrien ne peut décider qui est le président", a lancé le chef de la diplomatie syrienne Walid Moualem à John Kerry. Le ministre syrien a d'ailleurs bien failli provoquer un incident diplomatique en prenant la parole près de 30 minutes au lieu des sept imparties et ce malgré les interventions répétées du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. Armelle Charrier, l'envoyée spéciale de FRANCE 24 à Montreux, n’est pas très étonnée de cette attitude qui, selon elle, "dénote de l’esprit du régime". "Cela permet au régime d’avoir une tribune", observe-t-elle.

Adoptant une position de défiance, Walid Moualem a eu des mots très durs. Il n’a pas hésité à qualifier les représentants de l'opposition assis en face de lui de "traîtres" et d'"agents à la solde des ennemis" de la Syrie. "Ils prétendent représenter le peuple syrien", a d'abord déclaré le ministre syrien. "Si vous voulez parlez au nom des Syriens, vous ne devriez pas être des traîtres au peuple syrien, des agents à la solde des ennemis du peuple syrien", a-t-il ajouté.

De son côté, Laurent Fabius n’a pas non plus mâché ses mots. Le chef de la diplomatie française, dont le pays fait partie des plus fervents soutiens de l’opposition syrienne et ce dès la première heure, a insisté sur l’objet de la conférence : la formation d’un gouvernement de transition. "Nous voulons une Syrie sans combattants étrangers sur son sol ni criminel de masse à sa tête", a-t-il affirmé en guise de conclusion.

Vers des accords portant sur l’humanitaire ?

Pour autant et malgré les divergences, il se peut que la conférence aboutisse néanmoins sur des avancées. "Ce qui est primordial et mis en exergue est bien la présence autour de la table de toutes les parties malgré les désaccords ", observe Armelle Charrier, qui note que toutes les parties se sont accordées à souligner en premier lieu les souffrances du peuple syrien. La journaliste spécialiste des questions internationales explique que "c’est en coulisses que les choses se font, et elles se feront lentement et pas à pas ". Selon elle, on peut s’attendre à "des accords sur des couloirs ou des aides humanitaires". 

La réunion de Montreux doit être suivie d’une réunion vendredi à l'ONU, à Genève, impliquant uniquement les deux délégations syriennes et l'émissaire spécial de l'ONU et de la Ligue arabe Lakhdar Brahimi. Ce devrait être le début d'un long processus, de sept à dix jours dans une première étape, selon un membre de la délégation russe cité par l'agence Interfax.

Fabius dénonce les "élucubrations" de Mouallem

Lors d'une conférence de presse à la sortie du premier face-à-face entre la délégation du régime de Bachar al-Assad et l'opposition syrienne à la conférence de Genève-2, le ministre des Affaires étrangères français a dénoncé "les élucubrations longues et agressives" de son homologue syrien Walid Mouallem.

Laurent Fabius a déploré qu'alors que tous les participants sont d'accord pour accepter l'idée d'un gouvernement de transition, une "exception", le "représentant du gouvernement de Bachar al-Assad", s'est livré à "des élucubrations longues et agressives, contrairement à la position responsable et démocratique du chef de la Coalition" de l'opposition syrienne, Ahmad Jabra. Laurent Fabius a également accusé Damas d'"alliance objective avec les terroristes", en référence aux groupes djihadistes qui contrôlent de larges zones en Syrie.