Les différentes délégations sont arrivées mardi soir à Montreux, à la veille de la conférence de paix sur la Syrie. Si le but de Genève-2 est de mettre en place une transition, les négociations devraient plus porter sur la baisse des violences.
Longtemps donnée pour morte avant même d’avoir vu le jour, la conférence Genève-2, censée trouver une issue au conflit qui ravage la Syrie depuis presque trois ans, s’ouvre mercredi 22 janvier à Montreux, en Suisse. La guerre civile, simple soulèvement populaire à son origine en mars 2011, a fait depuis 130 000 morts et jeté sur les routes un tiers des 22 millions de Syriens. Certains se sont réfugiés dans les pays voisins et s'entassent dans des camps, d'autres sont déplacés à l'intérieur de la Syrie. Genève-2 pourra-t-elle alors apporter ne serait-ce qu’un début de solution au conflit ?
La conférence, à laquelle il a été difficile de convaincre les différentes parties de participer, débute déjà dans un climat tendu. Au vu des divergences profondes qui perdurent entre les différents participants, quels sont les enjeux de ce sommet ?
Qu’est-ce que Genève-2 ?
Initiée par la Russie et les États-Unis, cette conférence de paix, dont l’idée même a déjà suscité de nombreuses querelles, a pour but d'amener le régime et l’opposition à la table des négociations, et de mettre en application les dispositions avancées lors de Genève-1, en juin 2012. Le communiqué final de ce premier opus prévoyait notamment la formation d'un gouvernement de transition, doté des pleins pouvoirs. Mais le rôle de Bachar al-Assad reste la pomme de discorde entre les deux camps. Le départ du président est devenu la condition préalable de l’opposition à sa participation à Genève-2. Et cela, le régime syrien ne veut pas en entendre parler.
Qui sera présent ?
Quelques 40 pays ont été invités, parmi eux les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, pays occidentaux en pointe sur le dossier et dans leur soutien à l’opposition syrienne. Cette dernière devrait finalement être représentée par la Coalition nationale syrienne, qui arrive au sommet plus divisée que jamais : le Conseil national syrien, sa plus importante composante, a finalement annoncé à la veille de l'ouverture de la conférence de paix qu'il ne se rendrait pas en Suisse. La Coalition ne représente en outre qu'une fraction de l'opposition politique syrienne.
Quid des absents ?
La conférence de Genève-2 est boycottée par les puissants groupes sunnites, qui contrôlent le terrain en Syrie, et qui considèrent les membres de la délégation de la CNS comme des traîtres. Quant à la principale faction kurde, qui contrôle une partie importante du Nord-Ouest du pays, elle n'a pas été invitée.
Autre grand absent : l’Iran, allié du régime syrien, qui n’a pas hésité à dépêcher des Gardiens de la Révolution sur le terrain. Téhéran a une influence indiscutable sur ce dossier et, par conséquent, un rôle à jouer dans le processus de paix. La question de sa présence lors de Genève-2 a créé une vive polémique, menaçant même la tenue de cette conférence, et l'ONU a finalement retiré son invitation.
Est-il possible de négocier une transition sans Assad ?
"Avoir un gouvernement de transition à Damas est quasi-impossible", estime Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie et directeur du Groupe de recherche et d’étude sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO). S’il est vrai qu’Américains et Européens affirment dans leurs discours officiels que le but de Genève-2 est de former un gouvernement de transition, "ils savent tous qu’Assad ne quittera pas le pouvoir". Le chercheur estime même que cette question a déjà été en partie tranchée : "Genève-2 a en quelque sorte déjà eu lieu début septembre quand Américains et Russes ont négocié la destruction des armes chimiques en échange du maintien d’Assad". Il observe en outre qu’"intégrer le régime dans une négociation internationale revient à en reconnaître la légitimité".
Que peut-on espérer a minima de Genève-2 ?
Selon Fabrice Balanche, il existe bel et bien un "espoir, celui que Genève-2 permette d’enclencher un processus de fin des hostilités". "Ce qui va se négocier des deux côtés, c’est une baisse de l’intensité des combats", poursuit-il. Il explique que le clan occidental va tenter de faire pression sur la Turquie et l’Arabie saoudite, notamment, pour qu’elles freinent leur soutien financier aux rebelles. Pour leur part, Russes et Iraniens vont essayer de convaincre le régime de diminuer l’intensité de ses frappes répressives. Selon le chercheur, la diminution des violences permettrait, en plus de faire cesser le bain de sang, d’acheminer l’aide des ONG vers les civils qui en ont besoin.
La question des réfugiés et déplacés syriens est également cruciale pour la communauté internationale, car elle s'étend à toute la région. "Si la situation sécuritaire se stabilise, les réfugiés seront plus à même de rentrer en Syrie, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui", explique-t-il, soulignant que le poids qu’ils représentent pour le Liban et la Jordanie, notamment, est une menace pour la stabilité de la région.