logo

Genève-2 : inviter puis exclure l'Iran, un coup tactique

L’Iran a été convié à Genève-2, puis à quelques heures de l’ouverture de la conférence de paix sur la Syrie, l’invitation lui a été retirée. Bourde ou tactique diplomatique ? Analyse du politologue, Jean-Paul Chagnollaud.

Genève-2 a évité l’échec de peu. Dimanche 18 janvier, le secrétaire général de l’ONU Ban ki-Moon annonce qu’il a convié Téhéran à Montreux, en Suisse, pour participer à la conférence de paix sur la Syrie. L’annonce provoque une colère noire de la coalition d’opposition syrienne, qui suspend sa propre participation, estimant que l’Iran, indéfectible soutien du régime de Bachar-al-Assad, n’a rien à faire en Suisse.

L’opposition a donc posé un ultimatum aux trois parrains de Genève-2, les États-Unis, la Russie et l’ONU : soit ils retirent leur invitation à l’Iran, soit ils s’exposent à l’absence de la Coalition nationale syrienne, faisant ainsi capoter d’emblée Genève-2. L’invitation a donc été retirée, et la conférence sauvée de peu.

L’épisode ressemble à un malheureux cafouillage diplomatique. Mais pour Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherches et d’études Méditerranée et Moyen-Orient, il n’en est rien. "Je pense qu’il est logique que l’Iran ait été invité, et qu’il est logique que l’ONU et les États-Unis aient ensuite retiré cette invitation", commence le chercheur.

"En politique, les positions peuvent évoluer très vite"

Les organisateurs ont estimé - à juste titre, estime le chercheur - que la participation de l’Iran au processus de paix était nécessaire parce que ce pays joue un rôle majeur dans le conflit syrien. "D’autant qu’on ne savait pas vraiment si l’Iran allait refuser l’idée d’une transition. Téhéran l’avait annoncé, mais en politique, il faut toujours appréhender le fait que les positions des uns et des autres peuvent évoluer très vite", précise-t-il.

"Pour que le sommet soit concluant, il fallait tout tenter pour que tous les acteurs du conflit soient présents à Montreux, poursuit Jean-Paul Chagnollaud. Mais un accord sur un minimum de principes est tout de même requis, sinon ce n’est pas la peine d’aller négocier autour d’une table. En l’occurrence, il fallait que les Iraniens acceptent le principe même de transition en Syrie, ce qu’ils ont refusé".

Logique, donc, poursuit le politologue, que l’Iran ne soit plus convié, s'il n’est pas d’accord avec les principes de base de Genève-2. "Sa présence aurait fichu en l’air la conférence qui, déjà, est très très fragile", commente-t-il.

Inviter puis retirer l’invitation n’aurait donc rien de la bourde diplomatique. "C’est une manœuvre tactique, conclut le chercheur. Les parrains de la conférence ont fait l’effort d’inviter l’un des acteurs majeurs du conflit, l’Iran a gardé sa position, mais au moins, un geste a été fait… On a à faire à un jeu très complexe qu’on peut interpréter de mille et une façons. Mais à mon sens, pas comme une bourde".

Tags: Syrie, Iran, Genève-2,