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Enquête : le pessimisme à la française

La rupture entre la population française et le monde politique est de plus en plus profonde, comme le montre une enquête réalisée par Ipsos. Les Français se montrent encore plus repliés sur eux-mêmes et hostiles aux étrangers.

Un an après une première enquête de l’institut Ipsos sur les "nouvelles fractures françaises", un second sondage réalisé début janvier 2014 montre que la défiance de la population à l’égard des politiques a encore augmenté. En proie au pessimisme, la société française est de plus en plus repliée sur elle-même et peu ouverte vers l’extérieur.

Le niveau de confiance envers la vie politique a ainsi considérablement baissé en l’espace de 12 mois. Selon ce sondage, 65 % des Français (+ 3 points) estiment que la plupart des hommes et des femmes politiques sont corrompus et 84 % d’entre eux pensent que ces derniers agissent principalement pour leurs intérêts personnels (+ 2 points). Symbole de cette défiance, 78 % des personnes interrogées considèrent finalement que le "système démocratique fonctionne mal" et que leurs "idées ne sont pas bien représentées" (+ 6 points). Les institutions sont particulièrement critiquées : 72 % des Français n’ont pas confiance dans l’Assemblée nationale, 73 % dans le Sénat.

Alors que ces indicateurs sont tous en augmentation, la préoccupation principale des Français n’a en revanche pas bougé. Le chômage est toujours l’inquiétude numéro un de la population (56 %). Les impôts et les taxes font pour leur part une entrée fracassante à la deuxième place (43 %, + 16 points), tandis que le pouvoir d’achat conclut ce podium (36 %, - 5points).

Une hostilité grandissante envers les étrangers

Dans ce contexte morose, les Français se montrent de plus en plus hostiles envers les étrangers et s’enracinent dans un repli identitaire. 66 % de la population considèrent qu’il y a trop d’étrangers dans le pays. 59 % (+ 4 points) jugent aussi que de "manière générale, les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer". Même s’il apparait en léger recul, le rejet de l’islam est toujours majoritaire : 63 % (- 11 points) des Français estiment que cette religion n’est pas compatible avec les valeurs de la société. L’Europe est aussi pointée du doigt. Une large majorité de la population souhaite un renforcement des pouvoirs nationaux au détriment de ceux de l’Union européenne (70 %, + 5 points).

Un besoin d'autorité

Ce repli s’accompagne d’une forte demande d’autorité. L'armée et la police sont plébiscitées par une large majorité de Français  qui leur font confiance (respectivement 79 % et 73 %) et 84 % de la population s'accordent aussi à dire que la France a besoin d'un vrai chef pour remettre l'ordre.  Les Français se montrent aussi particulièrement tournés vers le passé, puisque 74 % pensent que "en France, c’était mieux avant".

Ce climat pessimiste et cette défiance profitent toutefois à certains partis politiques. Le Front national séduit ainsi une partie de la population. 34 % des sondés pensent que le mouvement de Marine Le Pen représente une alternative politique crédible.

L’institut de sondage note également que l’un des principaux enseignements de cette enquête est la fracture de plus en plus nette entre les catégories populaires et les plus aisées. Les réponses à de nombreuses questions sont de plus en plus éloignées entre ces deux franges de la population. Par exemple, pour près d’un cadre sur quatre (72 %, + 16 points), la France doit s’ouvrir au monde d’aujourd’hui, alors que 75 % (+ 13 points) des ouvriers pensent le contraire. Sur une autre question de société, l’écart est tout aussi impressionnant : 64 % des ouvriers sont favorables au rétablissement de la peine de mort contre 26 % des cadres.

"Fractures Françaises - 2014 - vague 2" est une enquête Ipsos/Steria réalisée pour Le Monde / France Inter / Cevipof / Fondation J. Jaurès du 8 au 14 janvier 2014 auprès d’un échantillon de 1 005 personnes.