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Dans l'Ohio, une exécution vire au supplice

L'État de l'Ohio a exécuté, jeudi, un condamné à mort par l'injection létale d'un cocktail médicamenteux, jamais testé auparavant. Cela a soulevé des interrogations sur les souffrances que le détenu a pu endurer.

L'exécution a duré 26 longues minutes. Après avoir passé 25 ans dans le couloir de la mort, Dennis McGuire a agonisé pendant 26 minutes avant de s’éteindre, après l’injection d’un cocktail médicamenteux, jamais utilisé auparavant.

Condamné à mort dans l’État de l’Ohio, aux États-Unis, Dennis McGuire, 53 ans, a-t-il été exécuté dans d’insupportables souffrances, quitte à bafouer le 8e amendement de la Constitution américaine, qui réprime "les peines cruelles et inhabituelles" ? La justice tranchera. La famille du condamné a porté plainte, vendredi 17 janvier, contre l’État américain.
"Il suffoquait, il bataillait pour respirer"
Présente avec son frère dans la prison de haute sécurité de Lucasville, Amber McGuire a observé la scène derrière une glace, à quelques mètres de la table où son père agonisait : "Peu après le début de l’exécution, mon père a commencé à suffoquer et à batailler pour respirer", a-t-elle décrit, vendredi, lors d’une conférence de presse . "J’ai regardé son estomac qui se soulevait. J’ai regardé mon père qui essayait de s’asseoir malgré les sangles qui le maintenaient sur la table. Je l’ai regardé serrer les poings à plusieurs reprises. J’ai eu l’impression qu’il se battait pour rester en vie mais qu’il suffoquait", a-t-elle poursuivi.
Également témoin de la scène, le journaliste du journal local "Colombus Dispatch", Alan Johnson, raconte que l’homme a "suffoqué vingt à trente fois en dix minutes avant de s’endormir". Le produit mortel a été injecté par intraveineuse à 10h27 (heure locale) et sa mort a été déclarée à 10h53. Soit 26 minutes, contre les cinq que prend habituellement une exécution.
De l’autre côté de la salle, la famille de Joy Stewart, la victime de McGuire, assistait aussi à l’exécution. Selon elle, la controverse n’a pas lieu d’être : "Il y a une polémique à propos des médicaments utilisés dans cette exécution, des inquiétudes sur le fait qu’il ait pu avoir peur ou qu’il ait pu souffrir […]. [Joy] a été terrorisée et elle a souffert. Il a été traité beaucoup plus humainement qu’il ne l’a traitée", a réagi la famille Stewart dans un communiqué.  
Dennis McGuire a été exécuté pour le meurtre en 1989 de Joy Stewart, 22 ans, jeune mariée et enceinte de 7 mois et demi. Il l’a violée, étranglée, poignardée à la poitrine puis lui a tranché la gorge. L’enfant qu’elle portait est mort avec elle, dans un bois près d'Eaton, dans l’Ohio, où le corps a été retrouvé deux jours après.
Une exécution proche de la torture
Dennis McGuire a été exécuté par l’injection du sédatif midazolam et de l’antalgique hydromorphone, dont le mélange n’avait jamais été utilisé aux États-Unis. Comme d’autres États américains, l’Ohio a dû changer de procédure après le refus de certains laboratoires européens d’approvisionner les services correctionnels américains en pentobarbital, le produit unique employé jusqu’ici.
Avant l’exécution, les avocats de McGuire avaient alerté la cour d’appel de l’Ohio que le condamné risquait de mourir "dans la terreur et l'agonie". Mais tous les appels, jusque devant la Cour suprême des États-Unis, avaient été rejetés. Aujourd’hui, Allen Bohnert, avocat commis d’office, parle "d’un échec, une expérience atroce entreprise par l’Ohio”.
S’il est prouvé que l’homme a vraiment été exécuté dans la souffrance, ce serait un nouveau scandale pour l’État, familier des exécutions litigieuses. En 2006, le condamné Joseph Clark s’était éteint après 84 minutes d’une horrible souffrance : la veine où avait été injecté le sédatif ayant éclaté, Clark n'était pas endormi. Les gardiens avaient dû fermer les rideaux pour finir l’exécution en privé, tant la scène était insoutenable. Après cet épisode, les agents en charge de l’exécution ont été sommés de prendre tout leur temps pour suivre le protocole. Aussi, en 2007, l’exécution de Christopher Newton avait pris près de deux heures : le personnel pénitentiaire avait mis plus d'une heure à fixer les aiguilles.
La même année, une  étude scientifique de l’université de Miami prouvait que le cocktail de poisons employé depuis 1977 pouvait, parfois, constituer une torture. Les États appliquant la peine de mort utilisaient ces trois poisons : un sédatif pour endormir, un paralysant, puis du chlorure de potassium provoquant un arrêt du cœur. Selon l’un des auteurs de l’étude, le paralysant - interdit pour les animaux - " éveille toutes les fibres douloureuses, comme si tout le corps était en feu". Dans certains cas, révèle cette étude, le supplicié se voit injecter une dose de sédatif insuffisante et ressent une extrême douleur, sans être capable de l’exprimer car le paralysant l’en empêche. 
Avec AFP