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Hockey : les Somaliens brisent la glace de l'intégration

Un entrepreneur suédois a eu l'idée de former une équipe de hockey composée de migrants somaliens pour lutter contre les problèmes d'intégration. Cette première sélection africaine de l'histoire participera aux Championnats du monde.

L’histoire de l’équipe somalienne de hockey ressemble à s’y méprendre au scénario d’un film hollywoodien. Comme dans le mythique "Rasta Rocket", inspiré par la participation aux Jeux olympiques de 1988 de Jamaïcains à l’épreuve de bobsleigh, une vingtaine de migrants somaliens installés en Suède se sont lancés dans un pari complètement fou. Alors que la plupart d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds sur la glace il y a encore quelques mois, ils participeront à partir du 26 janvier prochain aux Championnats du monde de hockey bandy, organisés à Irkoutsk, en Sibérie.

Depuis plusieurs semaines, dans leur ville de Borlänge, située à environ 200 km au nord-ouest de Stockholm, ils ne manquent aucun de leurs quatre entraînements hebdomadaires pour réussir à maîtriser ce sport. Le bandy, ancêtre du hockey sur glace traditionnel, se pratique aussi avec une crosse, mais avec une balle en liège et sur des terrains extérieurs de football gelés. "C’est très difficile, mais c’est aussi très amusant. Avant, la glace pour moi, c’était juste ce qu’on mettait dans un Coca-Cola", raconte avec humour à FRANCE 24 Ahmed Hussein, un jeune joueur de 19 ans né à Mogadiscio. "Le plus dur, c’est d’apprendre à réussir à patiner en arrière, mais j’y arrive maintenant."

Rapprocher les communautés

Cette équipe peu banale a été imaginée un peu par hasard par Patrick Andersson, un entrepreneur local, au début de l’année 2013, alors qu’il buvait un verre avec des amis. "Nous étions en train de parler des défis que rencontraient notre région depuis quelques années. Il y a beaucoup de réfugiés qui sont arrivés dans notre petit pays en peu de temps et nous ne nous sommes pas occupés de leur intégration", explique cet habitant de Börlange, une ville industrielle qui compte plus de 2 000 réfugiés sur 50 000 habitants. Patrick Andersson a alors eu l’idée de rapprocher les différentes communautés en formant une équipe de hockey composée de migrants africains : "Il y avait déjà une équipe de football créée par des Somaliens. Je les ai contactés et je leur ai parlé de mon projet. J’ai été vraiment impressionné par leur engouement et par la façon dont ils se sont battus pour y arriver".

Cette aventure a également séduit l’une des stars du bandy, un sport très populaire en Suède. Cinq fois champion du monde dans les années 1990 et 2000, Per Fosshaug n’a pas hésité à prendre en main cette équipe très atypique et a persuadé la fédération internationale de la laisser participer au Mondial. ”J’ai tout gagné en bandy”, raconte cette légende nationale devenue coach. ”Je n’avais jamais entraîné des joueurs qui n’avaient jamais patiné de leur vie. C’était un vrai challenge!”.

”L’essentiel, c’est de participer”

Malgré cet enthousiasme, les débuts se sont révélés difficiles pour ces hockeyeurs en herbe. Pour leur premier vrai match contre des joueurs locaux, les Somaliens se sont inclinés sur le score de 15 à 0. Le parcours s’annonce encore long avant d’atteindre un niveau convenable, mais les membres de l’équipe sont déjà très heureux d’avoir relevé ce défi. Pour Ahmed Hussein, qui a fui la Somalie il y a cinq ans, après avoir été le témoin de l’assassinat de son meilleur ami, abattu sur un terrain de football, sa nouvelle famille lui permet d’oublier de douloureux souvenirs: ”Je me suis fait de nombreux amis.et j’ai pu regagner confiance en m’exprimant devant les médias. J’ai aussi réussi à avoir un travail cet été grâce à l’un des sponsors.”

Alors que le début des Championnats du monde approche, les hockeyeurs africains ne sont pas particulièrement stressés. Face aux grandes nations du bandy comme la Suède et la Russie et même à des plus petites comme le Japon ou l’Allemagne, ils savent qu’ils n’ont que peu de chance. ”L’important, c’est de participer, le résultat ne compte pas vraiment”, insiste Ahmed Hussein. Pour l’entraîneur Per Fosshaud, l’équipe a de toute façon déjà obtenu une première victoire. Les habitants de Borlänge se rassemblent autour de ces ”somalia rockets”. ”Je pense que nous aurons au moins 500 spectateurs lors de notre prochaine rencontre amicale. Tout le monde dans la ville ne parle que de ce projet !”.