Chris Christie, le gouverneur républicain du New Jersey, est englué dans un scandale qui pourrait lui coûter son avenir politique. Son équipe de campagne est accusée d'avoir orchestré le blocage d'un pont new-yorkais, pour se venger d'un démocrate.
"On ne sait pas ce qui est le plus hilarant dans cette histoire, la bêtise de responsables politiques dévoilant dans des courriels leur noirs desseins, ou la petitesse d’un gouverneur qui était assuré d’être réélu". Philippe Boulet-Gercourt, le correspondant du "Nouvel Observateur" à New York n’est pas tendre avec Chris Christie, ce gouverneur républicain accusé d’avoir orchestré un énorme blocage sur un pont new-yorkais… par vengeance !
L’histoire commence l’été dernier. Le républicain Chris Christie, en pleine campagne pour sa réélection en tant que gouverneur du New Jersey, fait de l’œil au démocrate Mark Sokolitch, le maire de la petite ville de Fort Lee, adossée au pont George Washington, l’un des plus fréquentés au monde et reliant le New Jersey à Manhattan. L'étoile montante du parti républicain espère gagner le soutien du démocrate et ainsi polir son image de "rassembleur" et d’homme de compromis en vue des présidentielles de 2016. Seulement voilà, Mark Sokolovitc, fidèle à son camp, refuse.
Étrangement, quelques semaines plus tard, au mois de septembre, certains accès du pont George Washington sont fermés, provoquant, de fait, des embouteillages monstres, retardant notamment les bus scolaires et les ambulances. Mark Sokolovitch n’est prévenu qu’à la dernière minute de cette fermeture, présentée à l’époque des faits comme une "étude de trafic". Mais le maire est persuadé que Chris Christie, ulcéré par son refus, se venge.
Au mois de décembre, les présomptions autour d’un coup monté par l’équipe de Chris Christie se font de plus en plus fortes et deux proches du gouverneur républicain sont obligés de démissionner. L’affaire aurait pu en rester là, faute de preuves. Mais mercredi 8 janvier, le scandale éclate et sort au grand jour : NBC New York et le New York Times révèlent des courriels explosifs où l’on apprend que trois semaines avant la fermeture du pont, l’équipe de Chris Christie avait tout manigancé pour se venger du maire de Fort Lee.
"Je me sens mal pour les enfants"
"C'est le moment pour Fort Lee de connaître des problèmes de circulation", écrit le 13 août Bridget Anne Kelly, la chef de cabinet adjointe de Chris Christie, à David Wildstein, un ami de lycée du gouverneur, nommé par celui-ci à l'Autorité portuaire de New York et du New Jersey, qui contrôle les ponts.
"Compris", avait répondu David Wildstein. "Ai-je tort de sourire ?", a-t-il réagi une minute plus tard dans un texto renvoyé à Bridget Anne Kelly, qui répond par la négative.
"Je me sens mal pour les enfants", a-t-il ajouté, faisant allusion au retard des bus scolaires. Ce à quoi sa correspondante a répondu sans remords : "Ce sont les enfants des électeurs de Buono", en référence à l'opposante démocrate de Chris Christie, Barbara Buono, que le gouverneur a très largement battue en novembre.
Mark Sokolovitch s’est dit choqué par ces révélations : "Lorsque c'est provoqué par des êtres humains et lorsque ça été fait avec méchanceté et volontairement, il s'agit, dans mon esprit, du plus bel exemple de petitesse politique".
La question est désormais de savoir si Chris Christie a lui-même donné l’ordre d’agir ainsi. Mercredi 8 janvier, le gouverneur républicain a annulé sa seule apparition publique prévue. Il a assuré qu’il n’était pas au courant. Une défense assez faible, juge le "Nouvel Observateur". "Il risque de se retrouver marqué d’une triple lettre écarlate : idiot, mesquin et menteur. Peut-être assez pour torpiller une candidature à la présidence des États-Unis", conclut le journaliste Philippe Boulet-Gercourt.