À la demande de François Hollande, un panel de 18 Français ont débattu durant quatre week-ends sur la fin de vie. Une méthode inédite en France qui peut surprendre pour un sujet aussi contesté que l'euthanasie.
C'est une première : un panel de 18 citoyens français a rendu son rapport sur la fin de vie, lundi 16 décembre. Ils se sont prononcés en faveur d'une "légalisation du suicide médicalement assisté" et de la création d'une exception d'euthanasie, estimant qu'il n'y a pas "une", mais "des" fins de vie. Cela s'appliquerait lorsque "le consentement direct du patient ne peut pas être recueilli".
Cette conférence citoyenne a été réunie à la demande du président François Hollande, qui en avait fait une promesse de campagne. Chargé d'encourager le débat public sur des sujets déontologiques, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) s'est chargé de l'organisation. Le principe : laisser aux participants une autonomie totale pour organiser leurs réflexions.
Cette méthode de consultation, qui reste inédite en France, s'est déroulée sur plusieurs semaines. Durant trois week-ends, ces hommes et femmes ont auditionné des personnels médicaux, juristes et familles de patients à huis clos. Deux tiers d'entre eux se sont prononcés en faveur du suicide assisté. Ils ont ensuite rédigé leur synthèse qui pourrait inciter le gouvernement à faire évoluer la loi Leonetti de 2005, interdisant l'acharnement thérapeutique et instaurant un droit au "laisser mourir".
Des citoyens néophytes"
Cette démarche soulève de nombreuses questions quant au choix de ce panel : pourquoi 18 citoyens ? qui sont-ils ? Comment l'Ifop a sélectionné ces élus choisis "pour leur diversité" ? Entre Olivier qui se présente lui-même comme "néophyte sur la question" et Jean, qui estime que "ce serait bien que ce type de consultation soit mené à plus grande échelle", les critères restent flous.
Certains professionnels aussi doutent de la légitimité de cette représentation. Le président du Centre catholique des médecins français (CCMF) Bertrand Galichon s'interroge en effet sur le droit de "ces quelques happy few" à "saper une loi de liberté fondamentale votée en 2005 [...] sous prétexte de modernité, d’ouverture d’esprit, de sentimentalisme".
Face aux critiques, le président du CCNE, Jean-Claude Ameisen, brandit la loi de bioéthique de 2011, selon laquelle le débat public reste une étape obligée avant tout projet de réforme. Cette démarche est complémentaire des autres formes de consultation qui ont déjà eu lieu, comme les débats de la mission confiés en 2012 au professeur Didier Sicard, ancien président du comité d’éthique ou l’avis du CCNE qui s'est prononcé en juillet dernier contre l'euthanasie. Cette méthode est aussi, tient-il à souligner, largement pratiquée dans les pays voisins, tels que le Danemark, l'Angleterre ou encore l'Allemagne.
"Il faut du temps"
D'autre part, si le député UMP Jean Leonetti, à l'origine de la loi, se montre favorable à ce concept, il tient toutefois à nuancer que "pour faire un débat citoyen, il faut des moyens, et il faut du temps".
Il est regrettable de penser, surenchérit Bertrand Galichon, que des citoyens "vont régler la question en trois week-ends". Cette critique s'adresse plus particulièrement à l'Élysée, accusée de vouloir gagner du temps et d'obtenir enfin un avis pro-euthanasie après l'avis négatif du CCNE.
L'heure n'est encore à la légalisation, tient à rassurer Jean-Claude Ameisen. Le temps de la réflexion n'est "pas encore terminé, ajoute-t-il. Un projet de loi pourrait voir le jour durant l'été.