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La Corée du Nord coupe des têtes et perd la mémoire

Selon un site américain qui suit l'actualité en Corée du Nord, Pyongyang a effacé 99 % de ses archives d'État, juste après l'exécution de l'oncle de l'actuel leader. Une éradication "orwellienne" qui n'avait jamais atteint une telle ampleur.

Après avoir supprimé l’oncle du dirigeant Kim Jong-Un, Jang Song-Thaek, la Corée du Nord s’est débarrassée cette semaine d’un autre "ennemi", qu'elle a jugé tout aussi encombrant : ses archives. Selon NK News - un site de référence sur la Corée du Nord, basé aux États-Unis - le régime communiste a effacé 99 % de ses archives d’État. C’est la plus grande suppression de documents jamais menée par la Corée du Nord.

Plus de 35 000 articles ont ainsi disparu du site de l’Agence officielle du pays [KCNA],

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20 000 du site "Rodong Sinmun", le journal officiel du Parti des travailleurs - l'unique parti du pays. "Même s’il est toujours possible de consulter certaines archives, environ 98 % ou 99% ont été effacées", a déploré Frank Feinstein, un des programmeurs du site NK News.

Plusieurs documents faisant référence à Jang Song-Thaek, l’oncle fusillé, avaient déjà été supprimés pour effacer toute trace de son existence. Mais aujourd’hui, la purge est presque totale : tous les articles datant d'avant octobre 2013 ont tout bonnement disparu de la KCNA. On ne sait pas si ces archives sont consultables ailleurs. Le ministère de la Vérité de George Orwell – dans son célèbre roman "1984" - aurait sûrement applaudi une telle décision.

Des suppressions "orwelliennes"

Tchad O'Carroll, le fondateur de NK News, a déclaré que ces suppressions "orwelliennes" semblaient avoir été effectuées entre le vendredi 13 décembre et le samedi 14 décembre, après une première suppression sélective des articles citant Jang. Dans le passé, précise-t-il, de telles éradications de documents existaient déjà, mais elles ne concernaient que " 20 ou 30 articles […] jamais rien de cette ampleur".

La révision de documents est fréquente en Corée du Nord. Pourtant, seule une infime proportion de Nord-Coréens ont accès à Internet. Selon The Guardian, une telle épuration signifie que les archives Web sont principalement consultées à l'extérieur du pays. Pour NK News, cela signifie que le régime cherche à protéger le nouveau dirigeant communiste. "La suppression est liée à la réécriture de l'histoire nord-coréenne et la sécurisation de Kim Jong-un comme le nouveau leader", peut-on lire sur leur site.

Pour Andrei Lankov, spécialiste de la Corée du Nord cité par le Guardian, Pyongyang a toujours cherché à plonger son peuple dans l'ignorance. Dans son livre "The real North Korea", il dénonçait déjà ces agissements. "Les autorités ont toujours pris soin d'isoler la population non seulement des médias étrangers, mais aussi des publications officielles des années précédentes", écrit-il après avoir vécu à Pyongyang dans les années 1980.

"Tous les périodiques nord-coréens et un nombre important de publications traitant de sujets sociaux et politiques ont été régulièrement retirés des bibliothèques. Ils ne pouvaient être lus sans autorisation spéciale [...] Cette règle a été évidemment introduite pour s'assurer que les changements de politique du régime resteraient invisibles pour la population", précise Andrei Lankov.