L’ex-"Tigre celtique" devient le premier pays ayant bénéficié d’un plan de sauvetage international à pouvoir se passer de l’argent de la troïka. Un moment crucial pour la zone euro, pour lequel l’Irlande a payé un lourd tribut à l’austérité.
L’Irlande y est parvenue. Trois ans après avoir bénéficié d’un plan d’aide internationale de 85 milliards d’euros pour éviter la faillite, l’ancien “Tigre celtique” est sorti dimanche 15 décembre, de la tutelle de la troïka [Banque centrale européenne et FMI].
“Ce n’est pas encore le bout du tunnel, mais un pas significatif dans cette direction”, s’est réjoui Michael Noonan, le ministre irlandais des Finances, lors d’une conférence de presse, vendredi 13 décembre. C’est, en tout cas, un moment crucial pour la zone euro de l’ère post-crise des dettes souveraines. L’Irlande devient, en effet, le premier des quatre pays [avec la Grèce, le Portugal et Chypre] à retrouver le chemin des marchés financiers après avoir bénéficié d’un plan de sauvetage international.
“Ça signifie, en effet, que dorénavant l’Irlande peut de nouveau emprunter sur les marchés pour se financer au lieu de dépendre quasi-exclusivement de l’argent de l’aide internationale”, explique Christophe Blot, économiste spécialiste de la zone euro à l’Observatoire français des conjonctures économiques [OFCE].
Une indépendance retrouvée
Politiquement, c’est aussi une indépendance retrouvée. “La troïka perd son droit de regard sur les décisions du gouvernement irlandais”, confirme Christophe Blot. Un retour à une certaine souveraineté économique dont se réjouissent les Irlandais. “Je vais peut-être créer quelques T-shirts ‘J’ai survécu au plan de sauvetage’ pour fêter ça”, s’amuse sur Twitter Owen Gannon, un internaute irlandais.
Pour la troïka, les performances du "bon élève" irlandais justifient la fin de la tutelle internationale. Dublin a ramené, à grands coups de coupes budgétaires drastiques, son déficit à 8 %, alors qu’il se situait à 30 % en 2010, même si le plan de sauvetage des banques irlandaises représentait près de 20 % de ce montant astronomique. Le système financier, qui menaçait de s’effondrer et de mettre le pays en faillite, a aussi été assaini.
Trois ans d'efforts d'après le ministère irlandais des Finances
Ireland's EU/IMF Programme... #irlexit pic.twitter.com/81pmFG2ya8
— Dept of Finance IRL (@IRLDeptFinance) 13 Décembre 2013Chômage en hausse et croissance en berne
Preuve que l’effort d’austérité a porté ses fruits d’un point de vue financier : le taux d’intérêt auquel Dublin pourra emprunter sur les marchés s’élève à 3,5 %, alors qu’il avait atteint plus de 14 % avant le plan de sauvetage international.
Mais ce retour à une certaine normalité économique ne signifie pas que l’Irlande se porte mieux qu’en 2010. Au contraire : “L’austérité imposée aux Irlandais s’est traduite par une augmentation du chômage [13,6 % en septembre 2013 contre 10 % en 2010, NDLR], une hausse du niveau de pauvreté, une baisse des investissements et une croissance faible après une longue période de récession”, résume Christophe Blot. Preuve supplémentaire que la situation sociale est loin d’être au beau fixe : environ 1 000 jeunes Irlandais quittent le pays chaque semaine, rapporte le quotidien “Les Échos”.
Un contexte économique dégradé qui risque d’handicaper longtemps l’Irlande. “Le pays va mettre des années à se remettre des conséquences de l’austérité de ces dernières années”, assure Christophe Blot. Ainsi, la baisse des salaires, la précarité et le chômage font que le niveau d’endettement des ménages atteint actuellement 210 % des revenus disponibles des Irlandais. Le moindre nouvel accroc économique risque de se traduire par des faillites personnelles en cascade.
Surtout, le cas irlandais ne signifie pas que le remède de la troïka pour remettre sur pied les pays européens surendettés fonctionnera à tous les coups. La Grèce et le Portugal sont, ainsi, encore loin de pouvoir s’affranchir de l’aide internationale. “L’Irlande avait des avantages propres, tels qu’une fiscalité incitative pour les grands groupes et un meilleur accès à certains marchés comme les États-Unis, ce qui explique que le pays a mieux supporté la rigueur que le Portugal et la Grèce”, souligne Christophe Blot.