, correspondant FRANCE 24 au Pakistan – La promulgation, le 13 avril, de l'accord autorisant l'application de la charia dans la vallée de Swat, dans le nord-ouest du Pakistan, ne laisse d'inquiéter les observateurs, qui craignent une montée en puissance des Taliban dans la région.
"Cet accord est une véritable capitulation !" Assis derrière son bureau de l'université Quaid-i-Azam d'Islamabad, Rifaat Hussein ne décolère pas.
Pour cet universitaire qui dirige le département d'études stratégiques, le président pakistanais, Asif Ali Zardari, a fait une grosse erreur en promulguant l'application de la charia dans la vallée de Swat, lundi soir. "Sa démarche me fait penser aux accords de Munich de 1938, quand la France et l'Angleterre avaient donné les Sudètes à Hitler en pensant que cela calmerait ses ambitions. Deux ans plus tard, il régnait sur l'Europe. Ici, c'est la même chose. Le gouvernement pense qu'en laissant les Taliban appliquer leur interprétation de la loi islamique, ils vont déposer les armes. Au contraire, cela va les encourager à conquérir d'autres régions."
Asif Ali Zardari a approuvé l'accord conclu le 16 février entre le gouvernement de la province du Nord-Ouest, dont fait partie la vallée de Swat, et les Taliban. Quelques heures plus tôt, c'était l'Assemblée nationale qui approuvait le texte. Le scrutin avait été organisé à la demande du président qui, sous la pression des Américains, préférait avoir le soutien du Parlement.
Un vote bien accueilli à Swat
Les députés ont voté à l'unanimité en faveur du texte. "Ca fait plus de 30 ans que les habitants de la région réclament l'application de la charia. Donc, c'est normal qu'on accepte leur revendication", justifie Marvi Menon, une députée de la Ligue musulmane du Pakistan, un des principaux partis politiques du pays. D'ailleurs, à Swat, les habitants semblent soulagés : plusieurs témoins interrogés par FRANCE 24 expliquaient que cet accord était une bonne chose car il allait mettre fin aux combats entre l'armée et les insurgés.
"Je n'ai rien contre l'application de la loi islamique, ajoute Marvi Memon. Le problème, c'est que le gouvernement n'est pas capable de protéger ceux qui ne veulent pas de la charia des Taliban."
De fait, le gouvernement peine à contenir l'expansionnisme des Taliban. Le TTP, le parti des Taliban, a menacé de mort les députés qui se prononceraient contre la loi. La semaine dernière, plusieurs d'entre eux se sont emparés de l'agence de Buner, à seulement 100 km d'Islamabad... Depuis, ils patrouillent dans les marchés, dans les rues, et recrutent dans les mosquées, sans que la police intervienne.
"Cette génération de Taliban est jeune, impatiente et fanatique. Elle veut appliquer sa vision de l'islam coûte que coûte", explique Rifaat Hussein. Muslim Khan, le porte-parole des Taliban du TTP, n'hésite d'ailleurs pas à afficher ses ambitions : "Tous les musulmans du Pakistan veulent que cette résolution s'applique à l'ensemble du pays."