
L'Assemblée nationale à Paris, le 14 octobre 2025. Les débats sur le budget de la sécurité sociale se sont interrompus dimanche 9 novembre 2025 à minuit. © Gonzalo Fuentes, Reuters
Le sort réservé au budget de la Sécurité sociale reste incertain. Les débats ont été interrompus à l'Assemblée nationale, dimanche 9 novembre à minuit, avec plusieurs centaines d'amendements encore à étudier. Ils reprendront mercredi pour une ultime journée, en commençant par la suspension de la réforme des retraites, mais parvenir à un vote sur l'ensemble du texte dans les délais semble désormais extrêmement difficile.
Les députés auront en effet peu de temps pour arriver au bout des amendements avant d'atteindre la fin du délai constitutionnel réservé à l'Assemblée en première lecture, qui expire mercredi à minuit.
Sur le fond, les députés ont approuvé dimanche la création d'un "réseau France Santé" proposé par Sébastien Lecornu pour améliorer l'accès aux soins, mais accueilli très froidement par la gauche.
Ils ont également adopté des mesures visant à réduire des tarifs jugés excessifs dans certains secteurs médicaux particulièrement rentables, mais repoussé un article supposé limiter les dépassements d'honoraires des médecins.
Une durée maximum aux arrêts de travail fixée
L'Assemblée a enfin adopté une limitation de la durée des arrêts de travail, à un mois pour une première prescription et deux mois pour un renouvellement. Les médecins pourront toutefois déroger au plafond prévu. Les médecins pourront toutefois déroger au plafond prévu "au regard de la situation du patient" et en le justifiant sur leur prescription.
Le gouvernement avait initialement souhaité pouvoir fixer cette limite par décret, à 15 jours pour un premier arrêt de travail prescrit par un médecin de ville et 30 jours à l'hôpital.
Mais un amendement socialiste a été adopté, pour que la durée soit d'un mois dans les deux cas, et que cette durée soit inscrite dans la loi et non laissée à la main de l'exécutif. Il s'agissait d'un amendement de repli, les socialistes ayant initialement souhaité, comme les communistes, les Écologistes et La France insoumise (LFI), supprimer la mesure.
"En zone sous-dotée en médecins, (...) une personne malade retournera au travail faute d'avoir pu trouver un nouveau rendez-vous chez le médecin pour prolonger son arrêt", avait alerté la députée socialiste (PS) Sandrine Runel.
"Cet article introduit une logique de suspicion à l'égard des soignants et des assurés", a également critiqué Paul-André Colombani, député du groupe indépendant Liot.
Pour justifier cette mesure, l'exécutif pointe notamment la croissance des dépenses d'indemnités journalières. "Onze milliards (d'euros) de dépenses sur les arrêts maladie, c'est plus 6 % par an depuis 5 ans", a fait valoir la ministre de la Santé Stéphanie Rist.
Selon un rapport annexé au projet de budget de la Sécurité sociale, la mesure aura "pour conséquence d'augmenter le nombre de consultations médicales". Mais revenir plus fréquemment chez le médecin "va permettre un suivi et donc une meilleure prise en charge du patient", a défendu Stéphanie Rist, qui s'est montrée ouverte à l'amendement socialiste en faisant valoir sa vertu de "simplification".
Aucune durée maximale d'arrêt maladie n'est aujourd'hui prévue, bien que des recommandations existent pour certaines pathologies, avec des durées indicatives. Les assurés sont par ailleurs soumis à un plafond de 360 jours d'indemnités journalières sur trois ans.
Une mesure du texte entend d'ailleurs ramener à ce plafond de 360 jours les personnes bénéficiant d'une Affections longue durée (ALD) non exonérante, contre 1 095 journées d'indemnités journalières sur trois ans pour elles actuellement. Cet abaissement du plafond, qui concerne notamment des personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques ou de troubles dépressifs, a été supprimé par l'Assemblée.
Un vote plus difficile pour le texte dans son ensemble
Le gouvernement s'est engagé à transmettre le texte du budget de la Sécurité sociale au Sénat avec "tous les amendements votés", a indiqué dimanche la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Mais le calendrier est très contraint : quelque 380 amendements étaient encore au menu dimanche à minuit, avant deux journées de relâche en raison de l'Armistice du 11-Novembre.
"Nous nous opposons à l'idée que la discussion puisse se terminer à l'Assemblée nationale sans vote", a déclaré dimanche soir dans l'hémicycle le coordinateur de LFI, Manuel Bompard. "Il est possible de terminer l'examen du texte dans les 7 h 30 qui nous restent, à partir du moment où nous diminuons par deux le nombre d'amendements déposés", a-t-il ajouté, disant son groupe prêt à le faire.
Des demandes, notamment de LFI et des Écologistes, pour prolonger la séance dans la nuit de dimanche à lundi ou pour l'ouvrir lundi n'ont pas recueilli de majorité.
"On ne sent pas un empressement de la part du gouvernement à aller au vote, ça c'est très clair", a par ailleurs jugé sur BFM-TV Cyrielle Chatelain, patronne du groupe écologiste.
Le scrutin très serré de samedi sur la partie "recettes", avec 176 voix pour et 161 contre, laisse présager une équation encore plus difficile en cas de vote sur l'ensemble du projet de loi. Car le gouvernement a bénéficié sur les recettes de votes favorables des socialistes, et de quelques votes pour et d'abstentions de communistes et écologistes, soucieux de poursuivre les débats. Un rejet aurait en effet immédiatement interrompu les discussions, sans aborder les dépenses.
Mais le terreau ne sera peut-être pas aussi favorable sur l'ensemble du texte, alors que les oppositions ne votent traditionnellement pas pour les budgets, marqueurs politiques du gouvernement.
LFI entend une nouvelle fois "rejeter ce budget", a prévenu Manuel Bompard. Et le Rassemblement national, opposé à la partie "recettes" et à une hausse de la CSG sur le patrimoine décrochée par la gauche, a annoncé qu'il voterait contre l'ensemble du texte.
Avec AFP
