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Attaque chimique en Syrie : une enquête à charge contre l'administration Obama

Washington savait que le Front al-Nosra est capable de produire du gaz sarin mais a volontairement occulté ces renseignements pour mieux accuser Damas dans l'attaque chimique du 21 août, selon Seymour Hersh, un célèbre journaliste américain.

Dans un article fleuve publié dimanche 8 décembre par la "London Review of Books" et signé Seymour Hersh - un célèbre journaliste d'investigation, lauréat du prix Pulitzer 1970 pour sa couverture de la guerre du Vietnam -, Washington est accusé de "manipulation délibérée du renseignement" dans l'affaire de l'attaque chimique du 21 août dans la banlieue de Damas. Et ce pour mieux pointer du doigt le régime de Bachar al-Assad et justifier les frappes internationales qui devaient sanctionner ses actes.

Seymour Hersh, qui, en 2004, avait contribué à exposer le scandale de la prison d'Abou Ghraib en Irak, reproche à la Maison Blanche d’avoir "sélectionné" les informations à sa disposition. "Pis, l’administration Obama est accusée d’avoir délibérément passé certains renseignements sous silence. Précisément ceux selon lesquels le Front al-Nosra, un groupe de la rébellion syrienne affilié à Al-Qaïda, a les moyens techniques pour produire de grandes quantités de gaz sarin. Un mécanisme de sélection analogue à celui qui a été utilisé pour justifier la guerre en Irak [de 2003, NDLR]", dénonce le journaliste.

Seymour Hersh évoque notamment un rapport top secret remis à un haut-responsable de l’Agence américaine chargée du renseignement militaire (DIA), le 20 juin, soit deux mois presque jour pour jour avant l’attaque du 21 août, confirmant de précédents rapports sur les capacités chimiques d'Al-Nosra, notamment grâce à un de ses membres, Ziyaad Tarik Ahmed, un ancien militaire irakien spécialiste des armes toxiques. Par conséquent, le journaliste affirme que le Front al-Nosra aurait dû figurer sur la liste des suspects, au même titre que le régime syrien.

L'administration Obama réplique

Des responsables de l'administration Obama ont fait part de leur scepticisme devant cet article que des journaux américains auraient refusé de publier car ils le jugeaient insuffisamment étayé. 

"Il n'y a pas d'indice à l'appui des allégations de M. Hersh allant dans un sens opposé et la suggestion qu'il y a eu une manœuvre pour supprimer des renseignements est simplement fausse", a affirmé à l'AFP Shawn Turner, le porte-parole de la Direction du renseignement national (ODNI), qui chapeaute les diverses agences de renseignement du pays, dont la DIA.
"Les renseignements indiquaient clairement que le régime Assad et seulement lui pouvait être responsable de l'attaque à l'arme chimique du 21 août", a maintenu lundi l’ODNI.
Le 10 septembre, dans une allocution solennelle, le président Barack Obama avait détaillé les preuves de l'implication du régime."Nous savons que le régime Assad est responsable. Dans les jours qui ont précédé le 21 août, nous savons que les personnels chargés des armes chimiques d'Assad préparaient une attaque près d'une zone où ils assemblent le gaz sarin. Ils ont distribué des masques à gaz à leurs hommes", avait-il notamment soutenu.
Pour Seymour Hersh, le président américain, qui avait prévenu, un an plus tôt, que l’utilisation d’armes chimiques dans le cadre du conflit syrien constituerait une "ligne rouge", "était sur le point de partir en guerre pour confirmer la menace publique qu’il avait énoncé, mais il allait le faire sans savoir exactement qui avait fait quoi le matin du 21 août". Ce qui explique selon lui, l'annulation a posteriori des frappes contre le régime Assad.

 Avec AFP