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Le Canada veut mettre la main sur le pôle Nord

Le Canada a indiqué lundi qu’il comptait prouver scientifiquement que le pôle Nord faisait bien partie de son plateau continental. Une manière de défier la Russie, pays qui lorgne lui aussi sur les richesses pétrolières de la région.

Après la Russie, le Canada compte bien lui aussi planter son drapeau sur le pôle Nord. Pour ce faire, Ottawa veut prouver sa souveraineté sur ce territoire par la science.

Le gouvernement canadien a en effet commandé des études afin de prouver que "la dorsale de Lomonossov", une chaîne de montagnes sous-marines qui traverse l’océan Arctique sur 1 800 km, est bien une avancée du plateau continental canadien. Ce projet de cartographie a été soumis à une commission spécialisée des Nations unies vendredi, et présenté au grand public lundi 9 décembre. Pour le moment, seuls des relevés aériens de la zone ont été effectués.

La Russie augmente sa présence militaire dans l'Arctique

La réaction de la Russie n'a pas tardé. Le président Vladimir Poutine a ordonné mardi 10 décembre d'augmenter la présence militaire russe dans l'Arctique. "Je demande d'accorder une attention particulière au déploiement d'infrastructures et d'unités militaires dans l'Arctique", a déclaré le chef de l'État lors d'une réunion au ministère de la Défense retransmise sur la télévision publique. 

En 2007, la Russie avait dressé son drapeau blanc, bleu et rouge à 4 200 mètres de profondeur au sommet de cette dorsale. Une initiative visant à prouver sa suprématie sur le Grand Nord qui avait profondément agacé le Premier ministre canadien, le conservateur Stephen Harper. Depuis, la défense de la souveraineté sur le pôle Nord est devenue un axe fort de la politique canadienne. "Le Nord est un élément essentiel de l'héritage collectif et de l'avenir du Canada", avec l'objectif d'en "faire une région dynamique, prospère et sûre au sein d'un Canada fort et souverain", a ainsi martelé lundi la ministre pour le Développement du Nord, Leona Aglukkaq, elle-même d'origine inuit.

Stephane Harper intervient à la dernière minute

Signée le 7 décembre 2003, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer donnait à chaque pays une période de 10 ans pour revendiquer l’extension de son plateau territorial dans tous les océans qui l’entourent. Le dossier canadien fourni à la commission onusienne vendredi devait au départ porter sur les 1,2 million de kilomètres carrés d'océan revendiqués par Ottawa.

Mais selon le journal "Globe and Mail", Stephen Harper aurait personnellement demandé un délai aux Nations unies pour étayer scientifiquement les prétentions canadiennes sur l’Arctique. Une stratégie qui vise à inclure le pôle Nord dans le dossier. "Le Canada a transmis des données préliminaires concernant les limites extérieures de son plateau continental dans l'océan Arctique. Les travaux visant à déterminer l'étendue complète de notre plateau continental dans l'Arctique se poursuivent", a indiqué le ministre canadien des Affaires étrangères John Baird. Il va falloir "entreprendre des travaux scientifiques considérables pour définir les limites extérieures d'un plateau continental de cette taille", a reconnu Ottawa. Combien de temps l’opération prendra-t-elle ? Les responsables canadiens n’en savent rien.

Certains voient déjà dans ce revirement de dernière minute une manœuvre politique. "Dans cinq, dix ou vingt ans, nous devrons admettre que le pôle Nord n'est pas Canadien, soutient ainsi Michael Byers, expert des lois internationales à l'Université de la Colombie-Britannique, interrogé par "La Presse". (M. Harper) ne veut pas être le Premier ministre reconnu publiquement pour avoir abandonné le pôle Nord, même si les faits scientifiques ne soutiennent pas les réclamations canadiennes."

D’après le droit international, aucun État ne possède le pôle Nord. Et chaque pays entourant la zone (Russie, Canada, Danemark, Norvège, États-Unis) dispose d’une souveraineté limitée à 200 miles marins.

22 % des réserves mondiales d’hydrocarbures

Mais le pôle Nord reste l’objet de toutes les convoitises du fait des perspectives offertes par la fonte des glaces. Non seulement le trafic maritime entre l’Asie et l’Europe pourrait s’accroître, mais, surtout, le sous-sol de cette région pourrait contenir 22 % des réserves mondiales d’hydrocarbures conventionnelles non découvertes.

La Russie a déjà commencé sa prospection pétrolière et gazière : le géant Gazprom doit démarrer la production sur sa plateforme Prirazlomnaïa, que des militants de Greenpeace ont tenté d’escalader en septembre. Selon l’ONG, l’exploitation du pétrole dans la région "accélèrera la crise climatique, sans parler des risques élevés de déversements."

La Russie et le Canada ne sont pas les seuls pays à avoir des prétentions nordiques. Le Danemark, lui aussi, revendique le point le plus au nord de la planète, et dispose d’encore un an pour déposer son dossier. Reste que quelles que soient les décisions de l’ONU, elles ne feront pas force de loi. Elles constituent seulement une base pour les négociations diplomatiques à venir, qui pourraient encore prendre plusieurs années.

Avec AFP