
Une image publiée jeudi par l'armée thaïlandaise montre une mare de sang devant une maison du district frontalier de Kap Choeng, attaquée selon Bangkok par des roquettes provenant du Cambodge, le 24 juillet 2025 © HANDOUT / ROYAL THAI ARMY/AFP
Jamais en près de 15 ans le Cambodge et la Thaïlande n'avaient connu une escalade militaire aussi grave. De nouveaux affrontements ont eu lieu dans la province frontalière de Surin (nord-est), à la frontière entre les deux pays. Ils ont fait au moins un mort et deux blessés civils, jeudi 24 juillet, côté thaïlandais, selon Bangkok.
"Un obus d'artillerie cambodgien a frappé la maison d'un civil thaïlandais, tuant une personne, blessant grièvement un enfant de cinq ans et faisant deux autres blessés", a indiqué le Bureau du Premier ministre thaïlandais.
Des échanges de tirs ont éclaté jeudi matin autour de deux vieux temples datant de l'époque d'Angkor (IXème-XVème siècles), au niveau de la province thaïlandaise de Surin et celle cambodgienne d'Oddar Meanchey, a précisé à l'AFP une source gouvernementale cambodgienne.
La Chine déconseille les voyages dans la zone d'affrontements entre la Thaïlande et le Cambodge.
Accusations mutuelles
Après ces affrontements, les deux armées se sont mutuellement accusées d'avoir ouvert le feu en premier.
"Vers 8 h 20 (01 h 20 GMT), les forces cambodgiennes ont ouvert vers le feu en direction du flanc est du temple Prasat Ta Muen Thom, à environ 200 mètres de la base thaïlandaise", a annoncé l'armée thaïlandaise dans un communiqué.
La Thaïlande a aussi accusé le Cambodge d'avoir utilisé un drone sur le site contesté, vers 07 h 35 (00 h 35 GMT). Six soldats cambodgiens armés, équipés notamment d'une lance-grenades, se sont par la suite approchés d'une clôture barbelée, a affirmé l'armée, assurant que les troupes thaïlandaises ont crié dans leur direction pour éviter un affrontement.
"L'armée thaïlandaise a violé l'intégrité territoriale du Cambodge en lançant une attaque armée sur les forces cambodgiennes", a indiqué de son côté Maly Socheata, la porte-parole du ministère cambodgien de la Défense.
"Les forces armées cambodgiennes ont exercé leur droit de légitime défense, en pleine conformité avec le droit international, pour repousser l'incursion thaïlandaise", a-t-elle poursuivi.
L'ambassade thaïlandaise au Cambodge à appelé ses concitoyens à quitter le pays "le plus tôt possible."
Une frontière contestée
Les deux royaumes d'Asie du Sud-Est s'opposent de longue date sur le tracé de leur frontière commune, définie du temps de l'Indochine française, mais la crise en cours est la plus grave depuis près de quinze ans.
La mort d'un soldat cambodgien lors d'échanges de tirs en pleine nuit, fin mai, dans une autre zone disputée de la frontière, surnommée le "Triangle d'émeraude", a mis le feu aux poudres entre Bangkok et Phnom Penh, qui ont drastiquement réduit leurs échanges économiques et diplomatiques.

Le Cambodge a indiqué jeudi avoir rétrogradé au "plus bas niveau" les relations diplomatiques avec son voisin.
La veille, Bangkok a rappelé son ambassadeur en place à Phnom Penh et expulsé celui cambodgien de son territoire, après qu'un soldat thaïlandais a perdu une jambe en marchant sur une mine à la frontière.
Une enquête de l'armée thaïlandaise a permis de déterminer que le Cambodge avait posé de nouvelles mines terrestres à la frontière, ont indiqué les autorités thaïlandaises.
Le Cambodge a rejeté ces accusations, et indiqué que des zones frontalières restent infestées de mines actives datant de "guerres du passé".
Service militaire
Le Premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai, a déclaré jeudi que "la situation exigeait une gestion prudente" et "d'agir conformément au droit international". "Nous ferons de notre mieux pour protéger notre souveraineté", a-t-il déclaré.
Les tensions ont conduit le Cambodge à suspendre l'importations de certains produits thaïlandais, et la Thaïlande à restreindre les déplacements aux points de passage à la frontière.
Elles ont aussi provoqué de manière indirecte la suspension de la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, à la suite d'un scandale provoqué par la fuite, côté cambodgien, d'un appel avec Hun Sen, qui a gouverné le Cambodge pendant près de quarante ans.
Côté cambodgien, le Premier ministre Hun Manet, le fils de Hun Sen, a récemment annoncé la mise en place à partir de 2026 d'un service militaire obligatoire qu'il souhaite de 24 mois, pour tous les jeunes âgés de 18 à 30 ans.
Avec AFP