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"Grâce à Mandela, mes enfants savent lire et écrire"

, envoyée spéciale en Afrique du Sud – À Mamelodi, le plus grand township de Pretoria, Nelson Mandela est considéré comme un "demi-dieu" par ses habitants, qui se disent pauvres, mais libres grâce à lui. Notamment pour avoir permis l'accès à l'éducation aux enfants du township.

Elle ne perd jamais son sourire, Maria Mahlangu. Dix années que cette mère de six enfants vit avec sa progéniture et son mari dans un baraquement insalubre de Mamelodi, le plus grand township de Pretoria. Dix années durant lesquelles sa famille se débrouille sans eau courante, ni électricité, regroupée à huit dans une seule pièce, sous un toit en tôle.

"Je ne suis pas la seule à vivre comme ça, nous sommes des milliers ici", relativise-t-elle d'emblée. Mamelodi compte plus de 200 000 habitants, et a été créé de toute pièce en 1953 pour regrouper la population noire. 

Maria est pauvre certes, elle ne le sait que trop, mais elle est "libre" répète-t-elle à plusieurs reprises, en tenant serré dans ses bras son plus jeune fils, Pride, 9 ans. "Je suis libre, parce que j'ai l'opportunite de m'en sortir si je le veux. Avant (durant l'apartheid), penser comme ça n'était pas possible", explique-t-elle, en se servant du café, sur sa chaise bancale.

Comme l'écrasante majorité des Sud-Africains, Maria voue un culte à Nelson Mandela. "Grand homme", "demi-Dieu", "Saint", les superlatifs s'accumulent dans sa bouche. Loin de tenir un discours critique vis-à-vis de l'héritage économique du fondateur de la "Nation arc-en-ciel", elle ne retient que les grandes avancées sociales qu'elle et sa famille ont acquises grâce à lui.

Maria loue surtout l'accès à l'éducation. Peu importe qu'il faille se déplacer à l'autre bout du lôtissement pour aller chercher de l'eau ou se laver, peu importe aussi que les toilettes - dans un état déplorable - soient partagés entre 15 familles. "Mes cinq enfants vont à l'école, ils mangent aussi là-bas, la cantine est gratuite. Grâce à Madiba, ils savent lire et écrire. Ils savent penser, ils peuvent s'en sortir", précise-t-elle, en riant.

Dans la cour poussiéreuse et rocailleuse devant sa maison, deux de ses enfants gravent dans le sable, à l'aide d'un bout de bois, le nom de Mandela. "Ils sont jeunes mais ils savent déjà que cest un héros pour eux", glisse-t-elle visiblement fière du dessin de sa progéniture. "Je les éduque dans le respect de Mandela, dans un esprit de non-violence. Quand il ne sera plus là, il ne faudra pas oublier ses enseignements, ses valeurs".

"Les Blancs ont de l'argent ? Tant mieux pour eux"

Alors quand on lui parle de nouvel apartheid économique, d'un fossé entre Noirs et Blancs sur l'échelle salariale du pays, Maria hausse les épaules. "Vous voulez dire quoi ? Que nous vivons dans la misère et que les Blancs ont le pouvoir, l'argent, et de belles maisons ? Tant mieux pour eux." "Tout ce que je retiens c'est que le gouvernement ne me laisse pas tomber.", explique-t-elle.

Sans l'aide de l'État, en effet, qui lui verse 22 euros par mois pour chaque enfant, cette mère de famille ne pourrait pas payer le loyer de sa maison, de quelque 400 rands par mois (30 euros).

Le revenu mensuel de 240 euros que son mari ramène au foyer permet tout juste aux huit membres de la famille de survivre.

"J'aimerais bien offrir à ma fille du bon maquillage pour son anniversaire, mais je ne peux pas", déplore-t-elle, tout en regardant tendrement Sugu, son aînée de 25 ans, flanant au soleil dans son peignoir rose.

Le plus gros problème reconnaît-elle, c'est l'électricité. "Avant je disposais d'un générateur, on pouvait faire marcher la télé, mais il s'est cassé il y a six mois", ajoute-t-elle. Même problème pour le réfrigérateur, trônant dans le salon, incapable désormais de conserver les aliments.

Mais tous dans le township ne partage pas l'optimisme de Maria. Chapelet dans une main et canne dans l'autre, James Zulu, un de ses voisins, se joint à la conversation. "Vous pensez que c'est normal de vivre dans le noir de nos jours?", lance-t-il, agressif. "Je ne suis pas en colère, mais je pense qu'on mérite mieux. J'aimerais bien prendre une douche chaude, ça fait trop longtemps que je me douche au robinet et à l'eau froide", confie-t-il alors que Maria et sa fille Sugu éclatent de rire à ses propos. "Oui, on t'a vu nu l'autre fois", se moquent-elles. "J'aimerais aussi avoir mes propres toilettes", ajoute-t-il en ignorant les deux femmes. "L'ANC peut bien faire ça pour moi. Me donner un peu plus de dignité."