
Auditionné par une commission parlementaire, le rédacteur en chef du quotidien britannique a nié avoir mis en danger son pays en publiant des documents secrets sur les programmes d’espionnage de la NSA fournis par Edward Snowden.
“Cette affaire peut être politiquement embarrassante, mais il n'y a rien ici qui représente un risque pour la sécurité nationale.” Accusé d’avoir mis en danger son pays en publiant des fuites sur les programmes d’espionnage de Washington et de Londres, Alan Rusbridger, le rédacteur en chef du quotidien britannique “The Guardian”, s’est dit dans son bon droit, lors d’une audition d’une heure devant une Commission de députés britanniques, mardi 3 décembre.
Enregistrement de l'intégralité de l'audition d'Alan Rusbridger (en anglais)
Mais selon les autorités britanniques, le "Guardian" a commis un crime en outrepassant l'un des fondamentaux de la loi antiterroriste du pays (paragraphe 58A) qui interdit notamment de divulguer toute donnée relative à l'identité de ses espions ou des membres des forces armées. Le journal, de son côté, affirme avoir dissimulé ces informations afin de ne pas risquer la sécurité des agents britanniques.
Avant même d’être auditionné, Alan Rusbridger a reçu le soutien de l’Américain Carl Bernstein, l’un des journalistes à l’origine du scandale du Watergate, par le biais d’une lettre rendue publique. Il y dénonce notamment “une tentative des plus hautes autorités britanniques de déplacer le problème.”
Peu après, le “New York Times”, l'agence de presse AP, le “Washington Post” et quelque 10 autres médias ont signé une autre lettre ouverte, relayée mardi soir sur le compte twitter d’Alan Rusbridger, dans laquelle ils apportent, également, leur soutien au “Guardian” et militent pour la liberté de la presse.
Dénonçant des accusations “vagues”, il affirme que son journal a été victime de pressions depuis le début de cette affaire qui a éclaté en juin 2013 lorsque l’ex-consultant de l'Agence nationale de renseignement américaine (NSA), Edward Snowden, a fourni à plusieurs médias des milliers de documents compromettants révélant l’ampleur des programmes de surveillance américain et britannique. “'The Guardian' ne se laissera pas intimider, mais ne se comportera pas non plus de manière imprudente”, a-t-il affirmé durant l’audition qui était retransmise à la télévision.
“Aimez-vous ce pays ?”
Le patron du journal a également indiqué que ses équipes avaient, à maintes reprises avant la publication des articles incriminés, eu des échanges avec les gouvernements et leurs agences de renseignement, parmi lesquelles le FBI, la Maison Blanche ou encore le cabinet du Premier ministre britannique David Cameron. À l’époque, aucun d’entre eux n’a brandi, pour autant, l’argument de la menace pour la sécurité nationale.
La Commission s’est également fendue d’une question plus surprenante : “Aimez-vous ce pays ?”, a-t-elle demandé à Alan Rusbridger. Lequel ne s’est pas laissé destabiliser : “Nous sommes patriotes, et l'une des choses qui font que l'on est patriote est la démocratie et la liberté de notre presse”, a-t-il répondu en martelant que les informations contenues dans les fuites de la NSA sont d’intérêt public.
D’autres documents “chocs” à venir
Et pour prouver que ces publications étaient encadrées et réfléchies, le chef du “Guardian” a précisé qu’environ 1 %, seulement, des 58 000 documents secrets remis par Edward Snowden avaient été dévoilés au grand public, le reste étant en lieux “sûrs”. Le journaliste a même accepté de révéler par écrit à la commission - mais pas au grand public - où se trouvaient les documents restants.
Mais si Alan Rusbridger affiche sa volonté de coopérer, d’autres journalistes montrent moins de retenue. C’est le cas du britannique Glenn Greenwald, l'un des principaux auteurs des articles de l’affaire Snowden. Dans une interview accordée à “Télérama”, mercredi, cette ex-plume du “Guardian”, devenu depuis peu journaliste indépendant, déclare détenir des documents secrets “choquants”, qu’il “publiera jusqu’au dernier”.
'Do I love my country?'..and other questions MPs demand of an editor when they get the chance #NSA http://t.co/BrSKr3iOSI
— alan rusbridger (@arusbridger) 3 Décembre 2013