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Affaire Talon : le juge béninois Houssou demande l'asile aux États-Unis

Le juge ayant prononcé le non-lieu dans l’affaire de tentative d’empoisonnement du président béninois Boni Yayi est parvenu à fuir son pays pour se rendre aux États-Unis. Retour sur une rocambolesque histoire qui tient le Bénin en haleine.

C’est le dernier épisode en date d’un feuilleton politico-judiciaire qui passionne le Bénin. Le juge Angelo Houssou est parvenu à fuir le pays pour trouver refuge aux États-Unis, où il a demandé l'asile politique, ont annoncé, lundi 2 décembre, les autorités de Cotonou. Ce juge est à l'origine du non-lieu prononcé dans l’affaire de la tentative d'empoisonnement du chef de l’État béninois Thomas Boni Yayi, dans laquelle est impliqué l'homme d'affaire Patrice Talon.

Le magistrat a débarqué à l'aéroport de New York dimanche, où il a été interpellé par des agents de l'immigration, qui lui ont signifié que son visa d'entrée aux États-Unis n'était pas valide, a expliqué le ministre béninois de la Justice et des Droits de l'Homme, Valentin Djenontin. "Rien ne peut expliquer cette demande [d'asile] du juge Houssou", a estimé le ministre. Avant d’accuser le juge de vouloir "faire un coup médiatique, quatre jours avant le verdict de Paris dans le dossier sur la tentative d'empoisonnement du président Boni Yayi".

La justice française doit en effet se prononcer le 4 décembre prochain sur une demande d'extradition vers le Bénin de l’homme d’affaires Patrice Talon, actuellement sous contrôle judiciaire en France pour son rôle présumé dans cette tentative d’empoisonnement.

Gélules toxiques
Rappel des faits. Fin octobre 2012, les autorités béninoises avaient accusé le businessman de 55 ans, longtemps incontournable dans son pays, notamment dans le secteur-clé du coton, d'avoir fomenté depuis l'étranger un complot pour intoxiquer Boni Yayi et l'éliminer de la vie politique. À l'époque, Patrice Talon était déjà poursuivi au Bénin dans des affaires de malversations économiques.
Selon l'accusation, le plan aurait consisté à remplacer les médicaments du président par des gélules toxiques. L’opération, prévue pour se dérouler à Cotonou dans la nuit du 19 au 20 octobre 2011, avait toutefois échoué après qu’un proche d’une des complices eut donné l’alerte… Plusieurs proches du président, dont son médecin personnel, sa nièce et gouvernante et l'ancien ministre du Commerce avaient alors été arrêtés et des "faux médicaments" saisis.
Malgré des analyses prouvant de la toxicité des produits incriminés, le juge d’instruction Angelo Houssou avait, contre toute attente, prononcé un non-lieu dans l’affaire avant d’être interpellé, quelques heures plus tard, à la frontière nigériane avec 7 000 dollars en liquide, trois chéquiers, trois valises contenant ses effets personnels et un visa de trois ans pour les États-Unis. Une fuite qui, pour beaucoup, laisse croire que le magistrat ait pu être "acheté" par Patrice Talon.
Cabale
"Le revirement du magistrat, qui a mené l'enquête pendant sept mois, recueilli les aveux des suspects et eu accès aux rapports toxicologiques, est tellement hallucinant qu’il ne peut avoir été provoqué que par la partie qui avait intérêt à obtenir un non-lieu", s’était insurgé, à l’époque, un conseiller du président. 
Face à ces accusations, l’homme d’affaires béninois, lui, se dit victime d’une vendetta politique. "Oui, il y a eu manipulation sur [les] gélules [que le chef de l’État devait avaler] pour tenter d’accabler Patrice Talon, qui n’est poursuivi que pour des raisons politiques", avait réagi à l’époque au micro de FRANCE 24, son avocat parisien, Me William Bourdon. Selon ses défenseurs, Talon ferait l’objet d’une cabale orchestrée par ses anciens amis parce qu’il s’opposerait aujourd’hui à un projet du président de modifier la Constitution en vue de briguer un troisième mandat en 2016.
Des intentions que la présidence béninoise rejette en bloc. "Le chef de l’État a déjà affirmé à de nombreuses reprises sa volonté de ne pas toucher à la Loi fondamentale béninoise", répète depuis le début de l’affaire l’entourage de Boni Yayi.

Avec AFP