L'Assemblée constituante a adopté dimanche soir un projet de Constitution égyptienne qui confère de larges pouvoirs à l'armée. Cette proposition de loi fondamentale doit maintenant être ratifiée par référendum fin décembre ou début janvier.
Sans surprise, la commission constituante a approuvé dimanche soir le projet de Constitution égyptienne qui sera prochainement soumis à référendum – fin décembre ou début janvier. La finalisation de l’écriture de la loi fondamentale est la première étape de la feuille de route établie par l'armée pour une "transition démocratique" après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi.
La nouvelle Constitution, approuvée par un comité de 50 personnes, fait la part belle à l’armée et lui confère de larges prérogatives, comme la possibilité de juger des civils, au grand dam des défenseurs des droits de l'Homme. Cette clause prévoit en effet que des tribunaux militaires puissent décider du sort de civils qui auraient attaqué des soldats ou dégradé des biens de l'armée.
Ce point du projet cristallise les tensions : la fin des procès de civils devant des tribunaux militaires était au coeur des revendications de la révolte de 2011, qui a poussé le président Hosni Moubarak à quitter le pouvoir, dans la lignée des Printemps arabes.
Des articles à l’origine de violentes manifestations
Deux autres articles prévoient que ni le Parlement ni le gouvernement n'auront de droit de regard sur le budget de l'armée, comme c'est déjà le cas depuis une quarantaine d'années. Il envisage également la nomination du ministre de la Défense avec l'accord du Conseil suprême des forces armées (CSFA).
Tous ces articles ont déclenché ces derniers jours des manifestations hostiles à l'armée, de la part de mouvements libéraux et laïcs comme islamistes, et inquiètent les organisations de défense des droits de l'Homme qui les jugent "liberticides".
Reste à savoir comment les Égyptiens accueilleront cette nouvelle loi fondamentale."Il est toujours difficile d'obtenir une large majorité dans un pays divisé", estime Hassan Nafaa,qui enseigne la science politique à l’université du Caire.
"Les gens voteront en fonction de leur camp"
"Les gens ne voteront pas en fonction de leur opinion sur le texte mais plutôt en fonction du camp auquel ils appartiennent", explique-t-il. Et les articles concernant l'armée "alimenteront le débat parmi les laïcs que la loi sur les manifestations a déjà mis en colère".
C'est dans ce contexte que la justice a ordonné la prolongation de 15 jours de la détention d'une figure du mouvement laïc accusée d'avoir organisé une manifestation contre ces articles mardi. Alaa Abdel Fattah doit répondre de l'organisation d'une "manifestation illégale" en vertu d'une loi interdisant tout rassemblement n'ayant pas obtenu l'aval du ministère de l'Intérieur et d'avoir "frappé un officier de police".
Avec lui, 24 manifestants ont écopé dimanche de 15 jours supplémentaires de détention, selon des sources judiciaires. Parallèlement, la justice a ordonné la libération d'Ahmed Maher, fondateur du mouvement du 6-Avril fer de lance de la révolte de 2011, qui s'était rendu à la justice samedi. En dépit de sa libération, il devra toujours répondre de l'organisation d'une manifestation "illégale", selon des sources judiciaires.
Avec dépêches AFP