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Marche contre le racisme : "Il faut montrer que la France n'est pas comme ça"

Face aux récentes attaques contre la ministre Christiane Taubira, des milliers de personnes se sont rassemblées à Paris pour une marche. Militants associatifs, politiques ou simples anonymes, tous disent non à la banalisation de la parole raciste.

"Ma race est humaine", "On est tous des Taubira !", "De quelle couleur est votre cœur ?". Dans les rangs de la marche organisée à Paris, samedi 30 novembre, depuis la place de la République, les pancartes tenues par les manifestants expriment leur indignation face au racisme. Quelques semaines après les insultes lancées à l’encontre de la ministre de la Justice Christiane Taubira la comparant à un singe, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées pour dire non à toutes formes de discrimination.

En tête de cortège, ce sont des collectifs ultramarins, CollectifDom et CM98 (Comité Marche du 23 Mai 1998), très touchés par les attaques contre la Garde des Sceaux, qui lancent le mouvement. "Il faut répondre à toutes formes de racisme ! Plus de 101 associations ont signé notre appel", se félicite José Romana, membre du CM98, qui milite pour la mémoire des victimes de l’esclavage. Aux côtés de ces collectifs représentant la communauté d’outre-mer, les quatre grandes associations antiracistes (SOS Racisme, LDH, Licra et MRAP), ont aussi tout naturellement rallié cette marche. "Il y a eu un catalyseur avec la Une de Minute et les insultes contre la Ministre, mais cela fait plusieurs années que l’on dénonce la libération de la parole raciste", dénonce Hadrien Lenoir du bureau national de Sos Racisme. "Il y a une vraie décomplexion et on a besoin d’un sursaut républicain. Notre période ressemble à celle des années 30 avec la crise économique, un gouvernement impopulaire et une opposition éclatée. Il y a un repli identitaire et c’est le Front National qui bénéficie de tout cela". Trente ans après la célèbre "marche contre le racisme" ou "marche des beurs", ce militant refuse toutefois de dresser un tableau trop sombre : "les violences physiques ont relativement disparu, néanmoins il y a toujours des discriminations mais qui sont moins visibles".

"Au-delà des partis politiques"

De nombreux élus ont également rejoint la marche. En première ligne, la seule représentante du gouvernement, George Pau-Langevin, la ministre déléguée chargée de la Réussite éducative, ne cache pas son dégoût face au climat ambiant : "Quand on insulte une ministre, ce sont les valeurs de la République qui sont insultées. Nous sommes venus pour dire que le racisme n’est pas possible". À quelques mètres de la ministre, en rangs serrés, deux adversaires politiques, se tiennent par le bras. Alvine Moutongo-Black, du Modem, adjointe au maire de Clichy La Garenne fait front avec Muriel Guenoux, présidente des Radicaux de Gauche de l’Ile de France : "On est au-delà des partis politiques. La République se fait ensemble dans la diversité. Ce sont des propos très graves qui ont été tenus. Qu’un journal puisse faire ça en Une, c’est gravissime, on ne peut pas rire de tout !".

Une unité affichée également par les syndicats. Dans la manifestation, CGT, CFDT ou encore UNSA défilent côte à côte. "Même si on est une organisation syndicale, on ne pouvait pas laisser passer ce type de propos", s’insurge Béatrice Phillipet, secrétaire régional UNSA, de la Haute-Normandie. Pour cette syndicaliste, le racisme est aussi de plus en plus présent au sein des entreprises : "On s’aperçoit que lors de l’embauche des salariés, il y a toujours la question du faciès ou alors celle du quartier d’où viennent les gens. Ce sont des choses intolérables. Si on n’agit pas maintenant, demain il saura trop tard".

"La France est ignorante"

Les acteurs de la société civile sont aux premiers rangs pour exprimer leur colère face "au climat nauséabond". Mais dans le cortège, très clairsemé, des anonymes ont également fait le déplacement. Patrick Ramassany, un Antillais, a du mal à reconnaître son pays : "Quand il y a eu les insultes contre Christiane Taubira, j’étais aux Etats-Unis pour une conférence, j’ai eu honte. Ils en parlaient partout là-bas". Près de lui, Yvette Danois n’a pas hésité elle non plus à braver le froid de cette fin du mois de novembre. "Etant noire et immigrée, je me sens concernée", explique cette femme d’une quarantaine d’années. "Il faut aller au devant et montrer que la France n’est pas comme ça. Il s’agit d’une minorité, mais la majorité doit faire attention". Pour cette manifestante, c’est au gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre le racisme : "Il faut refaire les programmes d’histoire. Tant qu’on ne parle pas du passé, on ne peut pas construire l’avenir. La France est ignorante".

L’avenir appartient justement à Dhiya et Medina, deux élèves du lycée Honoré de Balzac de Paris. Ces deux amis sont fiers d’être présents. Alors que l’on s’apprête à commémorer les 30 ans de la marche contre le racisme, ils veulent à leur manière reprendre le flambeau : "Ils ont été très courageux car au début ils étaient peu", expliquent-il en faisant référence au mouvement de 1983. "Nous aussi on a créé un syndicat lycéen. Il faut toujours lutter ! Notre but c’est de dénoncer un maximum le racisme", s’enthousiasment-t-ils avant de repartir dans la manifestation.