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La pénalisation des clients de prostituées en débat à l'Assemblée

Les députés français se penchent vendredi sur le projet de loi visant notamment à sanctionner les clients des prostituées et à abroger le "délit de racolage passif". Des dispositions qui divisent la classe politique et l'opinion publique.

Après des semaines de controverse médiatique en France, le débat à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à sanctionner les clients de prostituées a démarré vendredi 29 novembre, dans un hémicycle où avaient pris place à peine une vingtaine de députés.

Si le texte "renforçant la lutte contre le système prostitutionnel" fait débat au sein de chaque parti comme dans l'opinion, seuls les écologistes et une poignée de députés UMP défendront dans l'hémicycle la suppression de la disposition la plus controversée, celle qui punit l'achat d'actes sexuels d'une amende de 1 500 euros.

De fait, les divisions se font plus visibles près de l'Assemblée où ont lieu deux rassemblements : l'un contre la pénalisation du client à l'appel du Syndicat du travail sexuel (Strass), l'autre pour cette disposition, à l'appel d'associations féministes ou d'aide aux prostituées (comme le mouvement du Nid).

"Je ne dors plus la nuit depuis ce projet de loi", confie à FRANCE 24 Djovana, l’une des "travailleuses du sexe" qui manifestent aux Invalides contre le projet de loi. Comment vais-je gagner ma vie si la loi passe ?" Dans le cortège, François-Xavier Perrault, du Parti radical de gauche dénonce pour sa part "une loi idéologique aux conséquences négatives qui plongera les prostituées dans la clandestinité et dans les réseaux mafieux".

"Hypocrisie"

La rapporteur du texte, Maud Olivier (PS), a donné le coup d’envoi de l’examen de cette proposition de loi en s'en prenant à "l'hypocrisie" des opposants : "Il suffirait qu'une seule prostituée se dise libre pour que l'esclavage des autres soit respectable et acceptable ?"

"Comment trouver glamour les 10 à 15 pénétrations par jour subies par les prostituées contraintes, pour des raisons évidemment économiques avec des conséquences dramatiques sur leur santé ?", a-t-elle continué. Et la députée d’ajouter, en citant l'anthropologue Françoise Héritier : "Dire que les femmes ont le droit de se vendre, c'est masquer le fait que les hommes ont le droit de les acheter".

"Comment faire semblant d'ignorer que c'est l'argent des clients qui alimente les proxénètes ?", a-t-elle ajouté, précisant que le chiffre d'affaires de la traite des êtres humains en Europe était de "trois milliards de dollars" (2,2 milliards d'euros).

Le texte, qui n'interdit pas la prostitution, légale en France, propose également d'abroger le "délit de racolage passif", une demande des prostituées. Ceci en dépit des réserves du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, pour qui ce délit est un outil d'"aide à la connaissance des réseaux", via les garde à vue et les auditions.

La disposition prévoit enfin des mesures d'accompagnement social pour celles qui veulent quitter la prostitution. Les étrangères – 80 à 90 % des prostituées, selon l'Intérieur – engagées dans un "parcours de sortie" pourront obtenir un titre de séjour de six mois, renouvelable.

On estime à plus de 20 000 le nombre des prostituées en France. Elles viennent notamment d'Europe de l'Est (Bulgarie, Roumanie), d'Afrique (Nigeria, Cameroun), de Chine et d'Amérique du Sud. La grande majorité est victime de réseaux de proxénétisme et de traite.

La proposition de loi, qui devra ensuite être adoptée au Sénat dans les mêmes termes pour entrer en vigueur, s'inspire de l'exemple de la Suède, où les clients sont pénalisés depuis 1999, ce qui a conduit à une réduction de moitié de la prostitution de rue en 10 ans.

Avec AFP